"ARIANE/BARBE BLEUE", de la surprise des rôles au pastiche des effigies

Ariane/Barbe bleue, mise en scène Marie Demesy © Cie Implicite

Ariane/Barbe bleue figure au panthéon des pièces ésotériques de Maeterlinck, par son ambiguïté thématique et sa place toute particulière dans sa dramaturgie. Le poète symboliste y fait s’affronter deux figures littéraires majeures : le premier, Barbe-bleue, hante nos imaginaires depuis Perrault comme un loup fait homme, un ogre cachant sa barbarie sous un voile d’élégance. Riche, étrange et antisocial, il tue ses épouses à mesure qu’elles découvrent ce qui est arrivé aux précédentes.

Mais là où le conte de Perrault avait pour héroïne une femme anonyme, éplorée et éclipsée par l’aura de son bourreau, la pièce y rattache la figure grecque d’Ariane, mère du fil rouge qui sauva Thésée du labyrinthe et sainte patronne des enquêteurs, en la mêlant à celle d’une Antigone rebelle et sûre de son fait. La pièce sert par ailleurs de conclusion à l’ensemble des pièces qu’il a écrites de 1892 à 1896, dominées par la mort, le tragique et les subtils mouvements de l’âme, dont on retrouve ici les héroïnes en anciennes épouses de Barbe-bleue, bien éloignées de la victime idéale.

C’est cette dimension intertextuelle et discursive qui a mené Alix Mercier à entreprendre, aidée par Marie Demesy, la mise en scène de ce texte complexe avec la Compagnie Implicite, dans l’atmosphère chaleureuse et familiale de la Halle Roublot. Jouant avec des perruques et des accessoires à cheveux – clin d’œil moqueur à l’importance des cheveux de ses héroïnes pour Maeterlinck – Alix Mercier et Dorine Cochenet résument les pièces « précédentes » de manière ludique pour aborder cet univers sombre avec une part non négligeable d’humour, dans une ambiance évoquant parfois un pastiche de sitcom.

On est très vite surpris par l’ambiguïté du statut de l’objet manipulé. Tantôt marionnettique, objet-effigie ou accessoire, sa place n’est pas clairement définie, et nuit à sa relation, qu’elle soit aux montreuses ou au public, donnant l’impression d’un objet traversé par une multitude de besoins scéniques : un objet-trajet. Cela, associé aux multiples jeux scéniques qui apparaissent et disparaissent trop vite pour pouvoir les creuser, donne l’impression d’une mise en scène qui colmate les brèches, faute d’avoir trouvé son centre. Cela n’empêche pas la pièce de briller par la grande complicité qu’établissent les montreuses entre elles et le public, et par plusieurs idées de scénographie et de jeu marionnettique qui frappent par leur justesse. Il en ressort une mise en scène qui, malgré ses incertitudes, s’empare d’une pièce classique avec humour et originalité, et satisfait aux exigences d’un spectacle familial.

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Ariane/Barbe bleue, mise en scène Marie Demesy © Cie Implicite

Informations pratiques

ARIANE/BARBE BLEUE – Cie Implicite

Auteur(s)
Maurice Maeterlinck

Dramaturgie et mise en scène
Marie Demesy

Jeu et manipulation
Dorine Cochenet, Alix Mercier
Conception lumière Louis De Pasqual
Scénographie Alix Mercier, Louise Bernard
Conception son Haldan de Vulpillieres
Idée originale Alix Mercier