[Avignon IN] "ÉCRIRE SA VIE" de Pauline Bayle, Jeunesse et soif de vivre, même dans un monde dangereux

Écrire sa vie, mise en scène Pauline Bayle © Christophe Raynaud de Lage

Il s’agit ici d’évoquer le texte magnifique de Virginia Woolf Les Vagues, mais pas seulement. La jeune Pauline Bayle est une femme de son temps et si elle s’intéresse à ce texte, c’est aussi qu’il parle pour aujourd’hui.
Six amis se retrouvent et nous convient à la fête qu’ils organisent pour le retour du septième de la bande, dont on comprend petit à petit qu’il est parti pour la guerre.
Comme des enfants inséparables, les amis se taquinent, évoquent leurs souvenirs, leurs projets, leurs élans et leurs désirs. Avec une belle énergie, ils installent la table du banquet, sollicitent la participation de spectateurs installés sur scène afin qu’ils chantent une goguette sur un air des Beatles, ils plongent dans les vagues en une chorégraphie parfaitement réglée, ils échangent avec beaucoup d’humour sur leurs petits travers et réussissent à masquer leur chagrin grâce à leur humour.

Ainsi, Bernard le romancier en devenir, fait de tout ce qu’il perçoit une anecdote dans une histoire éternellement inachevée. Suzanne, jeune Déméter, recherche la fusion totale avec la nature et trouve son épanouissement dans les tâches maternelles. Neville est l’amant insatisfait, dont l’élan poétique retombe sans cesse au contact de la réalité. Jinny se pense à travers son corps et par la séduction qu’elle exerce sur les hommes. Louis s’inscrit dans une histoire qui remonte aux origines du monde, et superpose à la réalité l’Égypte antique, en arrière-plan. Enfin, Rhoda, la plus mystérieuse, est associée à la lune et à l’élément aquatique.

Les rares événements ne sont donc perçus que par l’impact qu’ils ont sur ces individus en formation. Ainsi, dans la première partie, le baiser que donne Jinny à Louis, contre son gré, est rapporté de plusieurs façons en fonction des différentes perspectives. Louis souffre de cette intrusion dans son monde, Jinny se réjouit d’avoir découvert « ce qui met en mouvement les feuilles », et Suzanne se désole d’avoir assisté à la scène, meurtrie de jalousie.

Mais le drame de la guerre est toujours en arrière-plan, il assombrit les cœurs…
Et c’est ce qui est beau dans cette pièce : le fait que le drame qui couve puis qui éclate n’entame pas vraiment la soif de vivre de cette belle jeunesse.
On est ému et on sourit ; c’est que l’empathie vous submerge, quand affleurent les incertitudes de la jeunesse et que la guerre est redevenue une menace sur notre continent. Le texte est beau, parfaitement incarné par les comédiens. Pauline Bayle qui est plasticienne à l’origine, organise un espace festif d’une grande beauté, bien qu’il réfère à des objets du quotidien et elle conduit ces jeunes gens vers l’âge adulte avec bienveillance mais sans masquer les difficultés.

Un seul regret : le spectacle est un peu long ; il gagnerait à être légèrement resserré, sans toutefois renoncer à la très belle idée finale.

Écrire sa vie, mise en scène Pauline Bayle © Christophe Raynaud de Lage

Informations pratiques

ÉCRIRE SA VIE – Création 2023
Festival IN d’Avignon du 5 au 25 juillet 2023

Texte
D’après l’œuvre de Virginia Woolf

Adaptation et mise en scène et scénographie
Pauline Bayle

Avec
Hélène Chevallier, Guillaume Compiano, Viktoria Kozlova,
Loïc Renard, Jenna Thiam, Charlotte Van Bervesselès

Scénographie Pauline Bayle, Fany Laplane
Lumière Claire Gondrexon
Costumes Pétronille Salomé
Musique Julien Lemonnier
Son Olivier Renet
Assistanat à la mise en scène Isabelle Antoine
Accessoires Éric Blanchard
Regard extérieur chorégraphie Madeleine Fournier
Construction des décors Éclectik Scéno
Régie générale et lumière Renaud Lagier, Antoine Seigneur-Guerrini
Régie son Tom Vanacker
Régie plateau Lucas Frankias
Assistanat aux costumes Nathalie Saulnier