Article d’Ondine Bérenger
Esthétique littéraire
« Vivre, c’est passer d’un espace à un autre en essayant le plus possible de ne pas se cogner. » C’est par cette citation, formée par les pages de livres de sept personnages, que s’ouvre la nouvelle création d’Aurélien Bory. Petit à petit, après la distorsion du livre, c’est l’espace lui-même qui se déforme, se transforme en rythme, comme si tout n’était que géométrie, figures fluides et presque immatérielles, page blanche transposée à la scène dans toutes ses dimensions.
© Christophe Raynaud de Lage
Seuls de hauts murs noirs à deux portes habitent le plateau nu sur lequel évoluent les acteurs, comme de l’encre traçant des lettres sur une page. Ces panneaux imposants tournent, s’étendent et se contractent, en un étrange ballet esthétiquement séduisant, physiquement absurde. Les acteurs s’y trouvent écrasés, compressés, disparus, ils semblent se téléporter d’un endroit à l’autre, défiant les lois de la gravité avec une aisance presque naïve. Avalés et recrachés par le flux et le reflux de l’espace distordu.
© Christophe Raynaud de Lage
Pour évoquer l’œuvre de George Perec, point de texte, seulement une recherche permanente de forme modelant la vacuité du plateau, dans laquelle on retrouve tout à fait l’esprit de l’auteur, ce magicien de la lettre dont l’histoire cache un vide immense. Visuellement, ce travail est aussi satisfaisant par sa rigueur que décontenançant par son originalité. Il en émane une poésie indicible car dénuée tant de parole que d’intellect, surgissant à la croisée du chant, de la musique, du cirque et de la danse.
© Christophe Raynaud de Lage
Cependant, au-delà de cette beauté formelle, on ne trouve pas de message palpable ; tout semble si éthéré, sans histoire, que l’émotion, finalement, ne surgit pas au-delà du plaisir esthétique. On en conserve finalement une sensation d’incomplétude et de manque un peu frustrante compte tenu de la précision du travail accompli.
La création est agréablement millimétrée, mais abstraite à l’extrême.
Espaece
inspiré de George Perec
mise en scène Aurélien Bory
Conception, scénographie et mise en scène Aurélien Bory
Collaboration artistique Taïcyr Fadel
Décors Pierre Dequivre
Lumière Arno Veyrat
Musique Joan Cambon
Costumes Sylvie Marcucci
Avec Guilhem Benoit, Mathieu Desseigne Ravel, Katell Le Brenn, Claire Lefilliâtre, Olivier Martin-Salvan
Du 15 au 23 juillet 2016
Opéra Grand Avignon
Place de l’Horloge
84000 Avignon
http://www.operagrandavignon.fr/