« « [Avignon IN] La Fiesta »  La troublante cuite du Duende 

Ode irrévérencieuse à l’esprit festif d’une Espagne brûlante autant qu’à la révolution intime et violente d’un artiste possédé par le duende, le nouveau spectacle d’Israel Galván est une folie étrange et expérimentale où se mêlent toutes sortes de bruits (de bouche, de chair, d’objets divers détournés de leur fonction…) dans une atmosphère de fin de soirée… très alcoolisée.

Dans la Cour d’honneur, le maître ose tout, et tant pis si cela dérange : le lieu mythique est son terrain de jeu, pas de courbettes face à l’édifice plusieurs fois centenaire. Qu’il s’agisse de descendre les gradins sur les fesses, de tomber le pantalon ou de renverser des tas de pop-corn sur la scène, rien n’est trop excentrique pour cette célébration d’un flamenco ultra-contemporain, déconstruit, révolutionné mais à l’âme toujours incandescente. Cependant, les artistes ne parviennent pas à prendre possession d’un aussi grand espace, bien qu’ils s’y essayent sans retenue : le plateau est trop vaste et bien vite, les accessoires présents sur scène semblent un amas de gadgets désordonnés, chaque âme paraît un point isolé écrasé par les murs imposants du Palais des Papes, décor laissé à l’abandon. Il aurait été préférable d’offrir à Israel Galván un cadre plus intimiste pour que la chaleur de sa fiesta ne se perde pas dans la froideur des pierres. Plus de la moitié des spectateurs sont mal placés, trop éloignés ou trop excentrés pour profiter pleinement du spectacle, et l’on sent par conséquent que l’ensemble manque d’intensité.

C’est dommage, car tous les artistes présents sont indéniablement virtuoses et, bien que certaines parties de la proposition nous paraissent incompréhensiblement et excessivement déjantées (parfois longuettes), il y a là matière à se laisser fasciner les instruments, les voix, les corps. De tous, Uchi est peut-être la plus surprenante, avec ses allures de mama gitane, présence rigoureuse et vivante qui a le flamenco en flammes dans les veines. On regrettera également qu’Israel Galván, soliste jusqu’au bout des ongles tant il irradie, ne fasse pas davantage d’apparitions dansées. Quand il nous ravit d’un de ses solos, la force et la précision de ses mouvements, sa maîtrise exceptionnelle et endiablée de son art le rendent hypnotisant au point que l’on voudrait qu’il ne s’arrête jamais.

La spectacle nous laisse donc égarés entre admiration et confusion, envie que cela continue encore, mute encore, et parfois cesse, sans qu’on sache tout à fait quel sentiment l’emporte. C’est une performance à voir dans un lieu plus approprié pour qu’assurément, elle fasse des étincelles.

Informations pratiques

Mise en scène
Israel Galván

Avec
Eloísa Cantón, Emilio Carcafé, Israel Galván, El Junco, Ramón Martinez, Niño de Elche, Alejandro Rojas-Marcos, Alla Sellami, Uchi et le Byzantine Ensemble Polytropon

Durée
1h30

Adresse
Cour d’honneur du Palais des Papes
Place du Palais
84000 Avignon