Article de Paula Gomes
Rivalités et illusions, chacun veut sa part de bonheur
Un foyer accueillant, au décor rétro soigneusement choisi, où les comédiens évoluent à vue dans les différents espaces. Au fond, un guitariste joue, d’autres s’entraînent aux fléchettes. Un homme distribue des tracts, un couple discute fébrile en attendant un mystérieux rendez-vous. La femme en avant-scène tire les cartes en s’adressant au public, la promesse d’un voyage. Le collectif Les Apaches s’intéresse au noyau familial dans la société d’aujourd’hui, de la naissance à la mort, des vies où les secrets remontent à la surface laissant l’individu dans une position déstabilisante. Passé le choc de la nouvelle, les réactions peuvent arriver à n’importe quel moment.
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Des histoires et des situations étonnantes s’entrechoquent dans une maternité, un train, après une crémation, chez le notaire où une fratrie se découvre à la mort du père. Dans la maison du défunt, les sentiments primitifs surgissent, douleur de l’absence ou rejet. Chacun va se dévoiler et chercher en l’autre, la part qui lui manque, celle qu’il estime légitime. Traversé par une douce rêverie et de nombreuses références cinématographiques, ce spectacle ouvre une porte à l’imaginaire et montre qu’une identité se construit au fur et à mesure de la vie.
Après son parcours au cinéma et au théâtre en tant que comédien, l’auteur-metteur en scène Olivier Augrond réalise une première création remarquable sur les thèmes de la famille, la disparition, du manque et de l’identité. La rencontre avec le metteur en scène Kristian Lupa a été pour lui déterminante. Le travail préparatoire s’est fait autour d’improvisations, l’imaginaire de l’acteur sollicité à partir de monologues intérieurs, interviews, esquisses pour faire naître les personnages. Le jeu des comédiens est d’autant plus authentique et fluide à travers la palette de protagonistes et l’espace pluriel avec ses éléments (cuisine, salon, jeux et BD, urne, maison campagnarde). La scénographie se construit autour des personnages qui s’octroient «Une place particulière», décidant d’intervenir dans l’action ou pas, de former un nouvel ensemble à partir de la situation. Le public est placé dans une situation inconfortable : bribes d’histoire, dialogues croisés à la manière de Jean Tardieu, ou bien absurdes telle la scène du train, rencontre entre le mari et l’amant, qui fait écho à celle de Mr et Mme Martin dans « La cantatrice chauve » de Ionesco. Les lieux se devinent à mesure dessinés par les lumières ou par les déplacements d’objets, comme autant de souvenirs et le décor prend tout son sens dans la scène finale. De belles envolées lyriques avec les intermèdes musicaux, les brumes et la rêverie.
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Les sujets sont parfois difficiles (déni de grossesse, perte d’un père, ami ou amant) mais le texte sensible et personnel d’Olivier Augrond a une portée universelle, celle de comprendre sa présence au monde. L’humour est présent même dans les menus détails. La mort en robe rouge relate sa dernière étreinte de façon impudique. Même si la maison prend l’eau de toute part, chacun retrousse ses manches et la fratrie avance unie par une nouvelle force. Une absence et tout est remis en question… Une pièce où le spectateur peut entrevoir sa propre histoire, entraîné par ses souvenirs.
Une place particulière
Texte et Mise en scène Olivier Augrond
Avec Margot Faure, Candice Lartigue, Patrice Botella, Yves Buchin, Guillaume Marquet, Romain Arnaud-Kneisky, Jean-Philippe Feiss
Création musicale Jean-Philippe Feiss
Création lumière Sébastien De Jésus
Création son Janyves Coïc
Régie son Baudouin Rencurel
Régie lumière Julien Bensamoun / Léon Touret
Du 1er au 14 décembre 2016
du mardi au samedi à 21h
Théâtre Le Monfort
106, Rue Brancion
75015 PARIS