« Les locomotives, avec les moteurs de bateaux, sont les machines les plus promptes à éprouver les sentiments». C’est à partir de cette citation de Rudyard Kipling que Rezo Gabriadze déploie son univers poétique fait d’objets en tout genre, de marionnettes à fils ou à tige, et de beaucoup d’imagination.
Ramona, locomotive de manoeuve, est amoureuse d’Ermon, un puissant engin d’acier qui voyage sans cesse sur les routes d’URSS. Tandis qu’elle siffle et tourne en rond dans la gare où elle est assignée à résidence, Ramona croise la route d’une étrange troupe cirque qu’elle choisit d’accompagner jusqu’à Tskaltubo, où elle deviendra la vedette du prochain spectacle.
Dans la petite salle de « La Mouette » de la maison Jean Vilar, sans doute le lieu le plus intimiste du Festival IN, six marionnettistes donnent vie aux objets dont Rezo Gabriadze nous propose d’écouter les états d’âme et les aspirations. Sa fantaisie nous ouvre un monde où tout est doué de sentiments, d’esprit et de parole ; là, les hommes discutent avec des locomotives amoureuses, une poule se vante de son écharpe en renard, un haut-parleur confie sa tristesse… et il s’y crée des liens extraordinaires.
Tous ces personnages faits de bric et de broc, tissu ou papier mâché, donnent à la représentation un air délicieusement ancien ; chacun semble être le témoin loquace d’un temps révolu, mais qui survit dans l’imaginaire avec une douceur enfantine. Ce n’est pas un spectacle jeune public, mais une œuvre qui rappelle et fait surgir l’enfance du fond du coeur, et l’on est soudain pris d’envie de déclamer du Prévert ou du Queneau, de chanter « En sortant de l’école » en demandant à Ramona de nous emmener en promenade…
Fait atypique, les voix des marionnettes sont des bandes enregistrées, réalisées par des acteurs. Chaque être a ainsi un timbre très particulier qui lui correspond et fait ressortir son caractère grâce à la complète maîtrise de chaque intonation. Cela impose aux marionnettistes un rythme très précis qu’ils tiennent comme si de rien n’était – la machine est bien rodée. La musique fait également partie intégrante de la représentation, et se révèle particulièrement puissante, notamment lors de la scène où défilent les saltimbanques montrant leurs numéros, accompagnés de Ramona, sans doute le plus fort moment de grâce du spectacle. Et l’on dit bien « le plus fort », car en réalité, chacune de ces soixante-quinze minutes est un moment de grâce, une poésie simple et nostalgique qui invite au voyage, à la rêverie, à la mise en mouvement d’un imaginaire délicat et plein d’émotions.
On voudrait passer la journée tout entière dans cet univers si tendre. Si vous croisez la route de la belle Ramona, allez donc lui tenir compagnie…
Informations pratiques
Mise en scène
Rezo Gabriadze
Avec
Tamar Amirajibi, Giorgi Giorgobiani, Vladimer Meltser, Anna Nijaradze, Nino Sajaia, Irakli Sharashidez
avec les voix de Nino Arshenishvili, Rusudan Bolkvadze, Davit Dvalishvili, Badri Gvazava, Roman Kartsev, Nino Kasradze, Aleksei Kolgan, Ruslan Mikaberidze, Zaza Papuashvili, Nana Shonia, Denis Surnov, Rezo Tavartkiladze
Durée
1h15
Adresse
Maison Jean Vilar
8 rue de Mons
84000 Avignon