Un article de Pierre-Alexandre Culo.
Le bal sanglant de la Méduse.
Nkenguégui est une traversée dans une mer géopolitique hostile, Méditerranée sans soleil où ces radeaux migratoires affrontent la mort, agités par les flots d’une langue incisive et hypnotique. Dieudonné Niangouna offre dans le ressac de cette mer le fracas d’une œuvre éclatée mais non-moins fascinante.
Des côtes congolaises au loft parisien du XVIème arrondissement s’immisce une mer dangereuse où des hommes vont tenter l’impossible. « Entassés comme des bêtes sur une barque », ils vont à la recherche d’un Eldorado barricadé de Nkenguéguis, ces plantes équatoriales tranchantes à l’usage des enclos des bêtes sauvages. A travers les lames de cette frontière végétale se serrent, se nouent avec complexité, les personnages et paraboles de l’auteur. La parole souvent obsessionnelle, névrotique, hors d’elle-même et des personnages s’étend et se pulvérise comme une pluie de crachat. L’homme a perdu ses rêves et traine derrière lui, au bout d’une corde, son ersatz de soleil. De l’autre côté de la Méditerranée, certains survivants tentent de s’amuser avec frivolité. Entre eux, perdue au milieu des flots, erre une barque où les corps inertes se noient dans bal aquatique. Dieudonné Niangouna dévoile dans ce voyage à la fois une écriture délicate et d’une finesse glaçante, perturbée par le jaillissement archaïque d’une nécessité de crier.
« Je suis le premier homme sur la mer. Je n’en peux plus de mourir de mon dernier souffle. qui ne s’en va pas. Le froid le rattrape et le retient. Il est bel et bien sur la barque à côté de moi. Et les vapeurs de Neptune sèment la pâleur des hivers sur son visage. C’est peut-être ça qu’on appelle « l’espoir ». »
Se détachent des scènes visuelles parallèles nourrissant la chair de cette écriture. Des violences policières, aux sacrifices rituels, en échouant vers les orgies cannibales, l’écriture scénique éblouissante dépeint des violences politiques réalistes pour les métamorphoser en délires passionnels. En dévoilant la poésie monstrueuse des violences géopolitiques, Dieudonné Niangouna conclue une œuvre cauchemardesque aux reflets bien réels
« Je touche le sol.
Le fond de la mer.
Le socle de l’océan.
Tout va bien.
Tout va bien.
Tout va mieux maintenant. »
Nkenguégui
Ronces et errances
Un texte de Dieudonné Niangouna
Aux éditions Les Solitaires Intempestifs
1 rue Gay Lussac
25000 Besançon
http://www.solitairesintempestifs.com/