Dans un petit chapiteau miroir, au centre de la vaste cour du collège de la Salle, se trouve le mini-cirque d’un clown ni tout à fait triste, ni tout à fait joyeux. Avec son assistante et ses animaux de compagnie, il tente d’enchaîner les numéros, mais rien ne se passe comme prévu : le rat s’est enfui, et la pagaille s’installe. Le spectacle rappelle l’imaginaire de ces cirques bizarres, désuets et si mélancoliques que l’on trouve dans certains films comme Balada Triste (la violence en moins). Sur une scène ridicule d’un mètre cinquante de diamètre, aux couleurs délavées, près de figures de bois et d’un orgue de barbarie, le clown tente de donner vie à sa pauvre fantaisie. Il y a là quelque chose de dérisoire et cruel, et pourtant d’infiniment chaleureux, car dans ce cercle boiteux se crée une petite communauté humaine où chacun entre en interaction et se prête au jeu du rêve et des tentatives qui, petit à petit, construisent un royaume au-dessus des échecs. Il faut y croire et se laisser emporter ; alors, seulement, la magie advient.
Michel Gibe est un interprète brillant dans son rôle de clown raté, aussi drôle et attachant que triste et maladroit, passant du misérable au sublime en quelques détails bien réglés. Ses compagnons de scène, une poule, une chienne et un rat (et un tout petit ouistiti les jours de chance), sont admirablement éduqués, maîtrisant leurs tours avec une aisance déconcertante et semblant y prendre un malin plaisir. Ils sont loin, les cirques d’animaux torturés ; ici les compères sont des personnages espiègles et joyeux auxquels il ne manque que la parole.
De toute la représentation, on ne sait sur quel pied danser, tant le spectacle oscille entre ses différents genres, inspirant des sentiments contraires. Pourtant, l’on s’y sent bien. Et ce n’est que lorsque notre clown trouve finalement la grâce dans la fragilité de ses bulles de savon que l’on comprend pourquoi il y avait là quelque chose de si tendre et profondément poétique. Le Cercle boiteux de mon imaginaire est une performance salutaire en ce qu’elle nous rappelle la magie du monde et le bonheur d’être ensemble, de créer, juste un instant, un espace de vie commun pour construire quelque chose, accepter de s’émerveiller d’un rien pour voir émerger le sublime. Et se dire, aussi, que si cela échoue peu importe : resteront la beauté du geste et la fierté d’avoir essayé.
Informations pratiques
De et Avec
Michel et Annie Gibe
Durée
1h20
Adresse
La cour du Collège de la Salle
3 place Pasteur
84000 Avignon