Article d’Ondine Bérenger
La banalité du mal
Écrit par Robert Merle en 1952, le roman relate l’histoire de Rudolf Lang, Allemand élevé par un père autoritaire, rentré à seize ans dans l’armée après la mort de ce dernier, puis ayant finalement adhéré au parti nazi après la Première Guerre mondiale. Pour ses compétences en organisation, il se vit alors confier la direction du camp d’Auschwitz où il mit méticuleusement en place la solution finale, pour finalement être jugé durant le procès de Nuremberg.
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Seul en scène, sur un plateau nu et noir avec seulement deux longues caisses de bois en guise d’accessoire, Franck Mercadal interprète à lui seul tous les rôles de l’adaptation : Rudolf, bien sûr, mais également son père, sa femme, ses collègues de travail, ses supérieurs au parti… Il glisse d’un rôle à l’autre en une fraction de seconde, avec une aisance déconcertante. Traits durcis par la lumière, droit comme un i, sa présence est à la fois glaçante et saisissante, une performance d’acteur hors du commun. Aucun signe ostentatoire pour choquer le public, aucune représentation directe, toute la force de la mise en scène – sa délicatesse aussi – réside dans le pouvoir de suggestion : une lumière rouge pour son activité au sein du parti nazi, une lumière verte pour sa vie de famille. Le contraste est impressionnant.
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Cette mise en scène avait pour ambition de répondre à la question : comment un homme ordinaire devient-il un criminel nazi ? Nous ne sommes pas sûrs de saisir pleinement la réponse, cependant, elle met en évidence ce qu’Hannah Arendt appela « la banalité du mal » : l’homme ordinaire, égaré, déçu a été recueilli et en bon soldat, dès lors, s’est contenté d’obéir aux ordres, échappant ainsi à toute réflexion morale quant à sa responsabilité dans l’horreur.
Face à une performance aussi imposante, on serait presque gêné que l’acteur connaisse par cœur un texte aussi effroyable…
La mort est mon métier
d’après le roman de Robert Merle
adaptation, mise en scène et interprétation Franck Mercadal
Création lumières Raymond Yana
Scénographie Olivier Prost
Musique originale Wilfried Wendling
Construction décors Marc Amiot
du 7 au 30 juillet 2016
Espace Alya
31 bis rue Guillaume Puy
84000 Avignon