[Avignon OFF] « L’ÂGE DE NOS PÈRES », le théâtre documentaire du collectif Lacavale sur l’origine de la violence des hommes et le patriarcat, de l’héritage à la transmission

L’âge de nos pères, mise en scène Chloé Simoneau © Marie-Clémence David

Parler de la violence des hommes n’est pas évident et porter le sujet à la scène peut s’avérer délicat. Le jeune collectif Lacavale mène des projets participatifs notamment depuis une dizaine d’années auprès d’adolescent.e.s et c’est ainsi qu’ils ont pris conscience de l’omniprésence des inégalités de genre, des dominations et des violences dans leurs vies. Ils ont accompagné ces jeunes pour trouver des mots, des images et des sons afin de leur faire une place et leur donner une forme dans leurs créations. En 2019, Le collectif lillois commence à travailler sur la figure du père avec comme ambition de mettre en scène le travail documentaire qu’ils mènent sur leurs propres pères.

Venant du théâtre et du cinéma documentaire, Julie Ménard, Chloé Simoneau, Antoine d’Heygere, Nicolas Drouet et Maxime Mansion proposent dans L’âge de nos pères, un théâtre documentaire où la matière première est issue du réel par les enquêtes menées par chacun d’eux : repérages, rencontres, carnets de bord et entretiens sonores et/ou filmés et écrits. Le point de départ de la pièce est la réalisation d’un court-métrage entamé en septembre 2019 avec un groupe de femmes victimes de violences conjugales. Les matériaux collectés sont ensuite transformés et déformés pour aboutir à une création engagée qui porte un regard subjectif sur le monde et que chacun pourra librement interpréter.

Dans un décor aux murs blancs, comme une page blanche, les comédiens vont y poser le fruit de leur travail tout au long de la pièce (textes, images, vidéos et dessins). Les membres du collectif se présentent : Julie l’autrice, Chloé la comédienne et metteuse en scène, Antoine et Nicolas réalisateur de documentaires. Ils parlent de l‘origine du projet, comment il s’est construit jusqu’à aujourd’hui avec aussi ses aléas : une amitié brisée par la violence qui fait qu’un des membres n’est plus là. Maxime va endosser le rôle de l’absent le temps de la représentation. Ils commencent tranquillement autour d’un café. Les cinq comédiens s’inspirent de l’intime en mêlant reconstitution documentaire. Chacun d’eux avec son savoir-faire, ses désirs et ses convictions a ramené ses matériaux et ils se livrent au micro sur leurs rapports à la violence (parents maltraitants, IVG, rapports non consentis…) mis en regard avec les chiffres glaçants de la violence faite aux femmes qu’ils affichent au mur : un viol toutes les 40 minutes, 3 féminicides par semaine, une personne sur dix victime d’inceste. En France, 220 000 femmes sont victimes de violence.

Les témoignages audio et vidéos de femmes battues touchent de plein fouet les protagonistes et les renvoient à leur propre histoire, leur propre père, leur propre violence. Ils et elles se confrontent, s’affrontent et cherchent à mettre au jour ce qui constitue leur héritage intime et collectif. Un héritage qui leur a été transmis par leurs familles et notre société, à un âge où ils doivent les transmettre. Ensemble ils font un constat amer : « Nous sommes les héritier.e.s d’une société pétrie de violence depuis des générations. Et nous allons participer à la reproduire. »
L’écoute des témoignages vient dévoiler une part de leur intimité : couple, séduction, paternité. Entre les femmes et les hommes du collectif, entre violence subie et violence exercée, ces révélations plongent le groupe en pleine crise et les échanges gagnent en intensité. La fiction et la réalité se mêlent, ils livrent des histoires personnelles douloureuses à l’image du poignant témoignage de Julie Ménard, autrice de la pièce qui lit la lettre de son père violent.

Le collectif Lacavale interroge aussi le patriarcat : « Nous avons grandi dans un monde patriarcal. L’organisation sociale et juridique est fondée sur la détention de l’autorité par les hommes et le masculin incarne à la fois le supérieur et l’universel.
Pourquoi le reconnaître fait-il si peur ? »

La proposition est riche et soutenue offrant de multiples matériaux. La violence évoquée, réelle met à l’épreuve le groupe et entre en résonance avec l’intime faisant naître d’intenses émotions.
Par sa démarche collective, documentaire et politique, le collectif Lacavale montre son engagement et place dans l’art l’espoir de faire bouger les choses avec aussi une volonté d’ouvrir les portes des théâtres à des personnes qui s’en tiennent ou en sont tenu.e.s éloigné.e.s. Convaincus de la nécessité et de l’urgence à poursuivre ce mouvement de libération de la parole des femmes et des enfants, ils pensent qu’une participation plus active des hommes est nécessaire. Espérons que le message soit entendu.

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L’âge de nos pères, mise en scène Chloé Simoneau © 1 et 2 Camille Graule / 3 et 4 Marie-Clémence David

Informations pratiques

L’ÂGE DE NOS PÈRES– Collectif Lacavale – Première à Avignon
Festival OFF d’Avignon du 7 au 29 juillet 2023

Auteur(s)
Julie Ménard

Mise en scène
Chloé Simoneau

Interprétation
Antoine d’Heygere, Nicolas Drouet, Maxime Mansion, Julie Ménard et Chloé Simoneau

Dramaturgie et collaboration artistique Sephora Haymann
Scénographie Charlotte Arnaud
Création Lumières Juliette Delfosse
Régie lumière Théo Le Menthéour
Régie son et plateau Johan Barruel
Regard à la mise en scène Laura Fouqueré (Cie L’Unanime)
Regard à la chorégraphie Julie Botet (Les Sapharides)
Production Collectif Lacavale

Durée
1h30

Dates
Du 7 au 26 juillet 2023 à 11h25 Festival OFF Avignon au Théâtre 11 Avignon, Avignon
Relâches les 13 et 20 juillet 2023

Adresse
Théâtre 11 Avignon
11, boulevard Raspail
84000 Avignon

Informations complémentaires
Théâtre 11 Avignon
www.11avignon.com

Festival OFF d’Avignon
www.avignonleoff.com

Collectif Lacavale
www.collectiflacavale.fr