Les femmes de la maison, mise en scène Pauline Sales © Jean-Louis Fernandez
Pour la 57ème édition du festival OFF d’Avignon au 11 Avignon, Les femmes de la maisonn, la pièce écrite et mise en scène par Pauline Sales fait salle comble. Avec la compagnie À L’Envi qu’elle a créé en 2019 et qu’elle codirige avec le comédien Vincent Garanger, ils mettent en avant les écritures contemporaines avec des sujets d’actualité qui révèlent une humanité sensible et complexe. Dans cette nouvelle création, les femmes sont à l’honneur dans une maison à travers des époques successives, pas en mère au foyer rôle dans lequel on les a si souvent cantonnées affectées aux tâches ménagères, invisibles et silencieuses dans l’ombre de leur mari, une image qui leur a longtemps collé à la peau. Non, ici la vie de femmes artistes, leurs conditions, leurs combats pour la liberté et leurs paradoxes sont finement observés dans une « résidence de création », un cocon isolé avec son jardin lieu de tous possibles à travers trois générations des années cinquante à nos jours. Trois temps du féminisme très différents, de l’émancipation de la femme d’après-guerre, au MLF et à des mouvements plus récents comme #MeToo ou Cancel Culture qui soulèvent des questions des femmes racisées et des luttes continues contre les violences patriarcales.
La fiction originale et instructive, propose en miroir avec la société de chaque époque, un regard sur la femme et l’artiste, la relation à leur sexe et à leur intimité, leur quête d’identité, leurs rapports sociaux et genrés face à la domination masculine et le poids de la société. Pauline Sales livre une proposition engagée et politique, inspirée par l’exposition Womanhouse de 1972 en Californie organisée par Judy Chicago et Miriam Shapiro qu’elle choisit de représenter dans la deuxième partie de sa pièce qui traite des années soixante-dix. Ces artistes proposaient à vingt-cinq artistes femmes d’investir une maison abandonnée et d’examiner en profondeur le thème du vécu féminin, de déconstruire par la réalisation d’oeuvres et de performances, les codes de l’enfermement domestique forcé.
Trois comédiennes Olivia Chatain, Anne Cressent et Hélène Viviès et un comédien Vincent Garanger interprètent avec une application remarquable une galerie de quatorze personnages, des portraits féminins savoureux. Autrices, performeuses, plasticiennes, ces artistes féminines ont osé quitter leur foyer pour exprimer leurs talents à l’image de Simone dessinatrice dans les années 1950 qui dépasse les diktats de la société pour donner vie à son oeuvre. Joris, un réalisateur (Vincent Garanger) les accueille en souvenir d’un ancien amour, une femme photographe (Anne Cressent), il décide de leur prêter la maison où ils ont vécu pour quelques semaines ou quelques mois, qui devient alors leur abri, leur atelier, leur lieu de création en échange d’une oeuvre à laisser à leur départ. Le personnage masculin de Joris et la figure de la femme de ménage d’une époque à l’autre sont les témoins bienveillants de l’avancement de la condition de la femme créatrice à travers le temps. Ils montrent en filigrane l’évolution masculine et les écarts socio-culturels. La maison évolue elle aussi dans les époques et l’espace étant le témoin du vécu féminin et de leur créativité.
Dans les différentes périodes marquées subtilement par la scénographie de Damien Caille Perret, les costumes et accessoires des personnages, les dialogues percutants montrent les enjeux féministes, les prises de conscience, les points de vue et les contradictions des discours mis en balance et les évolutions de la place de la femme dans nos sociétés occidentales. Un tableau riche, intelligent, drôle, une célébration de la femme avec une représentation virevoltante des seventies tant dans les tenues colorées que dans le jeu scénique qui montre les élans de liberté, les excès de cette période frénétique. La dernière partie plus sage laisse place à une résidence de trois autrices de générations différentes dont l’une visiblement fait entendre la voix de Pauline Sales en tant que créatrice. Malgré quelques longueurs ressenties, l’histoire brille grâce au trio de comédiennes débordantes d’énergie et le comédien Vincent Garanger n’est pas en reste, aussi attachant en mécène protecteur de ses créatrices que dans le rôle de Christiane, la femme de ménage en dernière partie. Cette création souffle un vent de liberté et de révolte bienfaisant qui parle aux créatrices d’hier et d’aujourd’hui mais aussi à chaque individu pour combattre les inégalités entre les femmes et les hommes.
Les femmes de la maison, mise en scène Pauline Sales © Jean-Louis Fernandez
Informations pratiques
LES FEMMES DE LA MAISON Création 2021 – Compagnie À L’Envi – Première à Avignon
Festival OFF d’Avignon du 7 au 29 juillet 2023
Auteur(s)
Pauline Sales
Texte publié aux éditions Les Solitaires Intempestifs, 2021
Mise en scène
Pauline Sales
Interprétation
Olivia Chatain, Anne Cressent, Vincent Garanger, Hélène Viviès
Scénographie Damien Caille Perret
Création Lumière Laurent Schneegans
Création sonore Fred Bühl
Chorégraphie Aurélie Mouilhade
Costumes Nathalie Matriciani
Coiffure, maquillage Cécile Kretschmar
Régie générale Xavier Libois
Régie lumière Xavier Libois ou Cloé Libéreau
Régie son Jean-François Renet ou Fred Bühl
Durée
1h45
Dates
Du 7 au 26 juillet 2023 à 13h Festival OFF Avignon au Théâtre 11 Avignon, Avignon
Relâches les 13 et 20 juillet 2023
Adresse
Théâtre 11 Avignon
11, boulevard Raspail
84000 Avignon
Informations complémentaires
Théâtre 11 Avignon
www.11avignon.com
Festival OFF d’Avignon
www.avignonleoff.com
Compagnie À L’Envi
alenvi.fr
