Article d’Ondine Bérenger
C’est ainsi que les hommes vivent
Au bord de la mer, dans la nuit sans lune, un homme s’isole en silence pour pêcher. Une femme, sa femme, le rejoint et, dans ce calme hors du monde, tous deux se parlent, avec simplicité et maladresse, de tout, des choses de la vie. Avec hésitation, timidité, sans aucun mot d’amour ils se montrent leur affection, comme ils ne l’avaient peut-être jamais fait auparavant.
© Cie La Lune Blanche
Ce qui surprend d’abord dans cette forme courte, c’est la simplicité de la scénographie qui, épurée à l’extrême, ne fait que suggérer la mer. Il fait sombre comme dans la plus noire des nuits, le reflux incessant des vagues est la seule musique dans ce paysage. Ces deux êtres humains qui se parlent ne sont personne, ils sont tout le monde, communs parmi les communs, leur discussion, elle aussi, paraît banale, ce n’est pas une parole de théâtre, elle ne raconte rien. Pourtant, dans cette extrême simplicité du langage réside une force indicible. Tout est lent et calme, le silence plane souvent au milieu des deux protagonistes, les gestes sont minimes, presque des tremblements déjà. Cette atmosphère de non-dit ou plutôt de sous-entendu envahit l’air et les sentiments des deux protagonistes transpirent à travers chaque détail infime. C’est cela sans doute la grande force de cette pièce : théâtralisant la plus commune des conversations conjugales, elle parvient à mettre en relief tout ce que l’on dit sans se dire, à mettre en exergue les pensées inexprimées de ces personnages qui pourraient être nous. On réalise alors tout ce à quoi nous ne prêtons pas attention dans la vie, et cela est fort.
© Cie La Lune Blanche
Pour servir ce propos, les deux comédiens ne négligent aucun détail. Si Catherine Vuillez emploie parfois des tons peu naturels ou un peu répétitifs, Philippe Fauconnier, quant à lui, incarne parfaitement la figure de l’Homme, cet homme comme un autre. Le couple est touchant et captivant malgré l’obscurité et la lenteur ambiantes. C’est une belle expérience que cette mise en relief de la force de la simplicité.
Mer
de Tino Caspanello
traduit du sicilien par Bruno et Franck la Brasca
mise en scène scénographie et régie Jean-Michel Rivinoff
avec Catherine Vuillez et Philippe Fauconnier
Peinture François Fontaine
Costumes Christine Olivo
du 7 au 30 juillet 2016
Théâtre du Centre
13 rue Louis Pasteur
84000 Avignon
http://www.theatreducentre-avignon.com/index.php/theatre