[Avignon OFF] « NOS PETITS PENCHANTS », en quête de bonheur de la Cie Des Fourmis dans la lanterne

Nos petits penchants, de Pierre-Yves Guinais et Yoanelle Stratman © Fabien Debrabandère

Pour cette 56ème édition du Festival OFF Avignon, la marionnette est bien représentée. À l’Artéphile, la Compagnie Des Fourmis dans la lanterne présente une nouvelle création Nos petits penchants. Le public découvre cinq personnages en quête de bonheur qui ont chacun leur petit penchant, leurs failles, une déformation corporelle qui leur est propre mais ils tentent de se redresser pour satisfaire les « canons » de représentation du bonheur. Les protagonistes évoluent dans leur intérieur et cherchent la voie pour être heureux. À cour ou à jardin, une pièce d’intérieur est matérialisée où se déroulent des scènes du quotidien en alternance ou en simultané. La manipulation des marionnettes se fait sur table, à prise directe, type bunraku. Elle est menée par Pierre-Yves Guinais et Yoanelle Stratman qui sont aussi concepteurs de ce spectacle qui parle aux petits comme aux grands. Mais comment être heureux ? Est-on responsable de son propre bonheur ? Et comment trouver les clés chacun à son niveau et atteindre la félicité ?

Le récit sans paroles est fluide et laisse entrevoir les combats personnels, les sentiments qui animent cette galerie de personnages ainsi que leur propension au bonheur. Pour Alfred la promesse de bonheur passe par la (sur)consommation, la possession d’objets toujours plus beaux et plus gros. Victor incarne la perfection dans tous les domaines et rayonne de bonheur. Il force l’admiration de beaucoup comme Ptolémé, discret et docile. Rosie est inquiète de ce qui se passe dans le monde et refuse cette injonction au bonheur, omniprésente dans les réseaux sociaux, la publicité, les émissions télévisées, les discours politiques et managériaux. C’est devenu un devoir d’être heureux et de le montrer. Quant à Balthazar le nouvel arrivant dans ce microcosme, représenté au centre par un immeuble miniature avec un bloc par habitant, il va tenter de comprendre les règles tacites en place et ses questionnements sur le bonheur vont bousculer le fragile équilibre qui régnait.

La scénographie est ingénieuse avec trois espaces de jeu distincts et trois échelles : les grands personnages de 50 cm environ, les parties communes qui sont des lieux de rencontres où l’on se jauge, se compare, et puis les blocs maisons avec les visages des habitants en grand et en 2D. Dans l’immeuble en miniature, les maisons des personnages se déplacent en fonction de leur niveau de bonheur affiché. Leur position dans l’immeuble reflète leur position sur l’échelle sociale du bonheur. De plus, la mise en scène s’attache à distinguer le bonheur intimement ressenti et représenté par une lueur intérieure aux marionnettes qui rayonne chaleureusement à travers leurs corps constitués de laine. Par opposition, au bonheur que l’on doit d’afficher symbolisé par la posture des personnages et qui tend à l’excès (homme droit comme un « I »), les injonctions au bonheur en leitmotiv avec notamment le livre de développement personnel « Soyez heureux », les profusions d’images, les sourires forcés font ressentir une certaine saturation et c’est au prix de beaucoup d’efforts que chacun poursuit sa quête et fait son propre chemin.

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Nos petits penchants, de Pierre-Yves Guinais et Yoanelle Stratman © Fabien Debrabandère

Comme pour leur création L’Écho souterrain que nous avions vu à Paris en 2016 (Cf Critique Théâtreactu L’Écho souterrain), la Compagnie Des Fourmis dans la lanterne représente une microsociété, un lieu intime où l’on peut observer au plus près les mécanismes et l’organisation de notre vie sociale avec les interrogations du moment. De là s’ouvre le champ des possibles, quelque chose de nouveau peut alors advenir. La scénographie particulièrement soignée entre en résonance avec le sujet traité, ce qui en renforce le propos. Là encore trois manipulateurs efficaces qui jonglent admirablement entre les différentes échelles et qui rendent les personnages attachants dans leur quête et leurs doutes. Un univers onirique et de toute beauté, des personnages en laine, matière qui leur donne une apparence douce et affectueuse, un spectacle plein d’humour qui invite à se tourner vers les autres. Le travail remarquable de la compagnie lilloise touche par sa délicatesse et fait du bien à tout âge, un petit bonheur à partager.

Informations pratiques

NOS PETITS PENCHANTS Création 2022
Festival OFF d’Avignon du 7 au 30 juillet 2022

Texte
Pierre-Yves Guinais et Yoanelle Stratman

Conception
Pierre-Yves Guinais et Yoanelle Stratman

Avec
Pierre-Yves Guinais et Yoanelle Stratman, Corinne Amic (ou David Chevallier)
Regard extérieur, aide à la mise en scène Amalia Modica, Vincent Varène
Musique originale Jean-Bernard Hoste
Régie son et lumière François Decobert ou Laure Andurand
Aide à la dramaturgie Pierre Chevallier
Création lumière Laure Andurand

Dates
Du 7 au 26 juillet 2022 à 10h, Théâtre Artéphile, Avignon
Du 13 au 15 octobre 2022, MCL, à Gauchy (02)
Du 17 au 22 octobre 2022, ABC scène nationale Bar-Le-Duc (55)
Du 28 novembre au 2 décembre 2022, Théâtre Jean Arp, à Clamart (94)
Les 6 au 9 février 2023, Palais du Littoral, à Grande Synthe (59)
Les 2 et 3 mars 2023, Espace Jean Legendre, à Compiègne (60)
Le 2 juin 2023, Le Carré Blanc, à Tinqueux (51)
Du 4 au 6 juin 2023, Le Tandem, scène nationale, à Arras (62)

Durée
55 mn

Adresse
Théâtre Artéphile
7, rue Bourgneuf
84000 Avignon

Informations complémentaires

Théâtre Artéphile
artephile.com

Festival OFF d’Avignon
www.festivaloffavignon.com

Compagnie Des fourmis dans la lanterne
desfourmisdanslalanterne.fr