[Avignon OFF] "ORPHELINS" Un crescendo violent vers la véritable nature de l'être

Martin Legros et Céline Ohrel dans Orphelins © Virginie Meigné

C’est dans une ambiance sympathique et inhabituelle, sur des airs de la chanson « Résiste » de France Gall, que les spectateurs sont accueillis dans la salle du théâtre 11 – Gilgamesh Belleville à Avignon. Les comédiens du collectif de La Cohue les invitent à s’installer de façon tri-frontale, autour de l’espace de jeu et ainsi, à participer à une nouvelle expérience théâtrale pour apprécier le subtil texte du célèbre dramaturge Dennis Kelly. Quelque peu désorienté au départ, le public comprend rapidement qu’une mise en scène atypique va se dresser devant lui. Une comédienne, responsable de la régie à même le plateau, est également en charge de lire les didascalies du texte qui orienteront le jeu des comédiens. Cette dernière crée les ambiances et le rythme de la pièce indiquant les silences qui auront des effets dramatiques assurés, ainsi que les « pauses » pendant lesquelles les comédiens quitteront leurs personnages pour venir dialoguer avec les spectateurs. Un lien étrange s’établit alors entre la scène et l’auditoire qui se retrouve partie prenante de cette histoire, grâce à des effets de lumière ou encore avec des effets de jeu tel qu’un dialogue improvisé entre le personnage de Liam, remarquablement interprété par Martin Legros, et une spectatrice ; ou encore avec ses brefs arrêts de jeu et regards en fonction des réactions de la salle. De même, l’accessoirisation des acteurs à vue dans les coulisses ouvertes, comme la mise en place du faux sang ou de la fausse pluie, tisse immanquablement un lien et une connivence avec le public, témoin de la création scénique de ce texte qui s’opère devant ses yeux.

Orphelins, c’est l’histoire d’un trio, d’un couple avant tout, Dany et Helen, qui voit sa soirée romantique perturbée par l’arrivée de Liam, le frère de la demoiselle. Ce dernier arrive couvert de sang et ne sait expliquer clairement pourquoi il est dans cet état. À force de questionnements et d’interrogations, le couple, non sans s’entredéchirer petit à petit, réussit à obtenir la terrible vérité. Liam, personnage perdu, immature, influençable, a commis l’irréparable. C’est Dany, tiraillé entre sa morale et son sens de la famille, qui devra assumer les actes de son beau-frère. Il évoluera crescendo vers la violence et n’aura d’autre choix que de commettre l’indicible.
Pour porter ce texte savamment construit, proche du thriller, qui dévoile peu à peu sa trame, les comédiens au jeu précis et convaincant, ont fait le choix d’une mise en scène innovante et osée. Ils parviennent avec brio à osciller entre personnes et personnages et entraînent toujours davantage l’auditoire dans la déchéance de ce trio qui se questionne et qui laissera au fil de l’intrigue éclater au grand jour des mensonges jusque-là latents.
Avec cette mise en scène audacieuse, le travail créatif du collectif La Cohue autour de ce texte de Dennis Kelly mérite d’être souligné et mis en exergue, avant qu’ils ne reviennent avec des idées novatrices dans leur prochaine création Vertige de l’amour.