"BEFORE" Était-ce mieux avant ? L'empire de la saudade sous l'analyse fine du Teatro Praga

Habitué de Chantiers d’Europe depuis 2013, le collectif portugais Teatro Praga continue de nous surprendre à travers ses propositions originales et engagées. Les quatre membres fondateurs défendent l’idée d’un théâtre en mouvement où existent toujours une libre expression et une part d’imprévu. En raison de leurs visions novatrices, ils étaient considérés à leur début en 1995 comme des enfants terribles, d’où leur nom Praga qui veut dire « fléau ». Aujourd’hui reconnus, ils se produisent sur les scènes européennes, en Chine, Israël et plus récemment en Turquie où s’est installé l’auteur et metteur en scène Pedro Penim. En groupe ou en solo, cette « fédération » d’artistes comme il aime à l’appeler possède une grande force créatrice, le goût du risque et participe à des projets éducatifs. Après « ZULULUZU », création à partir de la vie et l’oeuvre de Fernando Pessoa, Pedro Penim présente lors de ce festival « Before » un dialogue insolite et caustique entre un tyrannosaure et un psychanalyste. Quelles empreintes laissent les civilisations passées et que faire de cet héritage ? Que garderont à l’esprit les générations futures de notre passage ?

Partagé entre Lisbonne et Istanbul, l’auteur a constaté quelques similitudes entre les deux villes, outre les legs des empires visibles dans leur riche architecture, les habitants cultivent la mélancolie, le souvenir d’un passé glorieux et faste : le hüzün turc semble proche de la saudade portugaise. Était-ce mieux « avant » ? Comme une fatalité, une peur de vivre le présent, ce sentiment a toujours existé à travers les générations : idéaliser l’Histoire, en extraire seulement les événements heureux ou fictifs pour ne pas succomber au désespoir. Le malaise s’étendrait sur toute l’Europe, un véritable « atlas de la mélancolie » se dessine au fil d’un jeu hilarant mené brillamment par la seule voix de Pedro Penim. Assis derrière son bureau, le thérapeute a identifié le mal dont souffre son patient et s’apprête à appliquer ses soins et le tirer à tout prix vers le présent pour qu’il profite de chaque instant. Soudain dans un nuage de fumée, un T-Rex surgit et fait des bonds incessants et nostalgiques en arrière, une mise en abîme du passé qu’il défend mordicus. Il trépigne, s’assied sur un bout de chaise, s’anime et continue à faire vivre ses fantômes. Un homme silencieux tout de noir vêtu assiste à la scène, il vient en contrepoint renforcer l’idée d’un présent meilleur que le passé. La vidéo sur écran souligne les thèmes évoqués et donne une vision onirique de l’ensemble.

Cette 9^ème édition de Chantiers d’Europe met à l’honneur de nombreux artistes portugais : le chanteur de fado Camané, la chorégraphe Tânia Carvalho, Hotel Europa, la Compagnie de Musique Théâtrale et la photographe Estelle Valente. Le Théâtre de la Ville célèbre à sa manière les 20 ans d’amitié entre Lisbonne et Paris. Cet anniversaire se poursuit avec d’autres événements pendant les prochains mois : le festival Parfums de Lisbonne s’ouvre à Paris le 2 juin avec une programmation culturelle croisée entre les deux capitales à découvrir jusqu’au 19 juillet. À l’Hôtel de ville, le festival Paris l’été réunit des artistes français et portugais pour un concert exceptionnel le 18 juillet.

Informations pratiques

Auteur(s)
Pedro Penim
Collectif Teatro Praga