« Big Freeze (Thermodynamique de l’amour) », écrit et mis en scène par Thomas Poitevin au Théâtre de la Reine Blanche

Un article d’Ondine Bérenger.

 

Voyage au centre de l’humanité

 

Est-il possible d’étudier les relations sociales selon les trois principes de la thermodynamique ? C’est l’expérience que proposent de réaliser six artistes, une journaliste scientifique et un astrophysicien inspirés par les écrits de grands scientifiques comme François Roddier ou Hubert Reeves. Pour ce faire, ils créent un spectacle hybride composé de saynètes drôles, cruelles ou intrigantes sur fond de conférence pour grand public. Un concept original qui nous transporte des confins de l’univers au fond du cœur des hommes en un claquement de doigts.

Dans la petite salle Marie Curie du Théâtre de la Reine Blanche, le dispositif est simple : quelques sièges, un vidéoprojecteur, des micros. Fond bleu quadrillé de blanc, l’espace scénique semble constituer une dimension parallèle où les différentes échelles n’existent plus. Ainsi, l’on peut passer presque sans transition d’un mode de représentation à l’autre : après une énigmatique introduction visant à nous familiariser avec les concepts d’unidirectionnalité du temps et de perpetuum mobile entre les êtres et leur environnement, voici que débute une mini-conférence scientifique sous forme quasi-parodique (tics de langage, omniprésence du médiateur, parole coupée, autant de biais que l’on retrouve souvent dans les grands débats), entrecoupée d’illustrations sociales des principes thermodynamiques, le tout avec beaucoup d’humour, d’inventivité, et une énergie débordante. Il faut reconnaître que l’exercice est plutôt bien mené, car la partie scientifique du sujet est expliquée très clairement à l’aide d’exemples simples. Bien que le rapport aux relations sociales ne soit pas forcément évident au début, il le devient vite, car la diversité des situations traitées permet une bonne appréhension des principes évoqués à plusieurs échelles. Toutefois, la structure un peu brouillon de la représentation ainsi que la fin extrêmement abrupte ne permettent malheureusement pas au propos d’être pleinement servi.

Quoiqu’il en soit, les artistes et scientifiques présents au plateau nous entraînent facilement avec eux tant ils sont sympathiques dans leur rapport à la salle, passionnés, simples et rigoureux dans leur travail. En outre, ce qu’ils donnent à voir est tout à fait fascinant : comment concevoir que nos relations puissent être régies par ces mêmes principes qui dirigent le monde physique autour de nous ? Puisque dans un système donné, l’entropie (i.e. le désordre) ne peut qu’augmenter, comment éviter ce chaos à l’intérieur de nous, comment créer de l’ordre au milieu de l’incertitude ? Et si nos doutes, nos solitudes, nos peurs ne sont que les effets de cette entropie grandissante, comment éviter la paralysie du Big Freeze ? Comment faire de soi-même et des autres un « système ouvert », communicant, relation réciproque échangeant de l’énergie ?

Sans nous donner de solution, la Thermodynamique de l’amour propose une réflexion à la fois scientifique, philosophique et métaphysique immensément vaste, et nous invite à trouver nos propres réponses à ces questionnements. C’est une initiative captivante, abordable par tous les publics, mais qui mériterait davantage de temps pour se développer et mûrir pleinement.


 

Big Freeze (Thermodynamique de l’amour)

Écriture et mise en scène Thomas Poitevin Inspiré des écrits de François Roddier, Vincent Mignerot, Trinh Xuan Than, et Hubert Reeves

Avec Guillaume Arène, Andréa Brusque, Lucrèce Carmignac, Amaury de Crayencour, Ophélie Legris, Thomas Poitevin, Oriane Dioux et Fabio Acero. Création son et lumières Ludovic Champagne Scénographie, objets Romain Guillet

Regards scientifiques Oriane Dioux (journaliste scientifique) et Fabio Acero (astrophysicien) Regard philosophique Sophie Burdet

 

du 14 au 25 février

 

au Théâtre de la Reine Blanche
2 bis Passage de la ruelle
75018 Paris

http://www.reineblanche.com