« BORDERLINE LOVE » de Laurène Marx, L’amour comme douleur indicible

Bordeline Love de Laurène Marx aux Éditions Théâtrales.
Texte mis en espace en 2022 par Fanny Sintès dans le cadre du festival ZOOM #7 au Théâtre Ouvert (Paris)

Cette pièce pour une seule actrice – à moins qu’on ait recours à un chœur – est très déroutante. La personne (enfant, jeune fille, femme) s’adresse à une écrivaine qui ne répond pas, mais aussi à un « Toi », tout aussi mutique, et aussi à elle-même.

Ce choix fait que le récit ne peut pas exister au sens où l’on entend ce mot d’habitude. Ce qui domine, ce sont les émotions violentes qui ont un besoin vital de se dire et qui se télescopent, embrouillent les sentiments, mélangent les époques, transforment les gens. Ainsi, on ne sait pas vraiment ce qu’il en est de ce père qui pue et ressemble à un clochard tout en passant aussi pour un grand chef d’orchestre, de cette mère aimante mais fragile qui ne sait rien faire d’autre que jouer du violon, de ce cousin improbable et demeuré qui se ratatine au fil de l’histoire, mais dont le sexe s’est tout de même retrouvé dans la bouche de l’enfant de onze ans.

Ce qui se dit sans cesse, c’est le besoin d’amour, le manque cruel d’amour ressenti par la petite fille élevée dans la grande maison sale : mon père est le plus sale de tout. Ce n’est pas lui qui m’apprend la honte. C’est son manque de honte… j’ai honte pour lui. Se laver ne sert à rien, se raser les jambes jusqu’au sang non plus, les shampooings encore moins. Une sorte de chapitrage tente de situer les événements, les gens, les vies, les douleurs, surtout.

La Grande Maison Sale,
L’amour dangereux,
L’amour est utile, les mollets, non
Les bons vivants,
Il y a eu de la joie (substitué à : la viande des femmes est suspendue au crochet du regard des hommes.
La vallée
La vallée 2
Des jours comme des rêves
Le secret de l’amour
A toi.
Ces titres n’ont rien à faire dans une pièce de théâtre. Sont-ils posés par l’écrivaine à qui on s’adresse ? peut-être. Éclairent-ils le propos ? pas sûr. Durant toute la lecture, on se demande s’il s’agit d’une enfant maltraitée, voire abusée, d’une personne psychotique qui parle par la voix de ses multiples personnalités ou d’une adolescente provocatrice qui en rajoute dans la noirceur pour se venger des adultes. Les adultes, en effet, ne sont pas brillants : le père est la crasse incarnée doublée de vantardise et de misogynie. La mère semble absorbée par son propre silence, son incapacité à protéger sa fille et ses délires étranges « tu ne diras rien à personne » – une vraie femme apprend à fuir dans sa tête et à rester dans son corps – les autres, amis graveleux du père, tenanciers de bistrot, libidineux en tous genres, ne sont pas toujours hostiles, mais ils sont à coup sûr minables. Et puis il y a Cricri, la seule amie, celle à qui on peut se confier ou plutôt qui sait entendre la douleur à travers les vannes voire les insultes.

Mais surtout, il y a TOI. Dont on finit par comprendre qu’il s’agit de l’homme aimé et qu’on n’a pas su aimer, justement.

Sur la quatrième de couverture, il est question d’humour (mordant) ; c’est difficile à percevoir à la lecture. Ce qui saute aux yeux, surtout, c’est une immense douleur et une incommensurable confusion psychologique.

Informations pratiques

Auteur(s)
Laurène Marx

Prix
14 euros

Éditions Théâtrales
http://www.editionstheatrales.fr