Article d’Ondine Bérenger
La sorcière des passions
En 1948, Zelda, épouse de Francis Scott Fitzgerald, meurt dans l’incendie de l’hôpital psychiatrique dans lequel elle est internée, depuis 1936, pour schizophrénie. Claude Perron incarne ici cette femme emblématique des années vingt, libre, scandaleuse, démesurée, muse qui marqua l’oeuvre de l’un des plus grands auteurs de la littérature américaine.
© Thi Debadier
Dans son costume de sylphide décadente, déphasée avec le monde, enfermée dans un hôpital de la taille d’une maison de poupée dans laquelle elle peut à peine rentrer entièrement, Zelda parle de sa vie honnêtement, naturellement, sans détour, avec une sorte de désinvolture insolente : sa folie et sa liberté. Image d’une nouvelle Alice, échappée du pays des merveilles pour tomber en enfer, s’accrochant à l’alcool et à ses cigarettes.
A cour, en fond de scène, du haut de sa grande chaise d’arbitre, F. Scott Fitzgerald, pâle et raide comme un revenant, regarde la scène et surveille de son regard fixement exorbité, lançant çà et là une réplique qui résonne dans la salle comme une demi-présence lointaine. Pâleur du teint et des lumières, yeux cernés de noir et vêtements blancs donnent à ce couple mythique de faux airs de personnages burtoniens. On y retrouve aisément la marque baroque, à la fois sombre, tragique et en même temps loufoque et décalée de Michel Fau ; une esthétique particulière, étrangement fascinante et légèrement dérangeante.
© Thi Debadier
Claude Perron est incandescente dans le rôle de Zelda. Phrasé impeccable, attitude insolente et présence puissante font de son interprétation une très grande réussite. En effet, elle parvient à retranscrire sur scène toute la complexité de son personnage ; délicieusement provocante, exubérante, femme-gamine à la fois fatalement séduisante et noyée dans l’alcool, les excès, les déboires, symbole de son époque et pourtant dérangeante par l’absolu de son caractère, toujours entourée et cependant teintée d’une indicible solitude, elle captive, attire, intrigue.
© Thi Debadier
Une chose est sûre : on ne souhaite pas voir cette sorcière des passions disparaître dans les flammes.
Un très beau moment de théâtre.
Brûlez-la
de Christian Siméon
mise en scène Michel Fau
avec Claude Perron et Bertrand Schol
Assistant à la mise en scène Jean-Philippe Marie
Décors et peinture Emmanuel Charles
Costumes David Belugou
Lumières Joël Fabing
Maquillage Pascale Fau
Construction décor Atelier Jipanco
du 25 mai au 19 juin
Théâtre du Rond-Point
2bis avenue Franklin D. Roosevelt
75008 Paris