Article de Pierre-Alexandre Culo
Pour sa troisième édition, le festival SPOT du théâtre Paris-Villette s’étend jusqu’à l’espace du Grand Parquet, où il laisse la possibilité à quatre jeunes metteurs en scène d’exprimer leurs rêves et leurs inspirations autour du thème du sexe.
Malheureusement, il ne s’agit que de leurs pensées personnelles mise sur un plateau. D’un spectacle à l’autre, le point commun est un jeu monocorde, en lecture deux fois sur trois (le quatrième projet, Rencontre amoureuse, étant élaboré pour un seul spectateur, et accessible entre les trois autres). L’organisation est laborieuse ; entre chaque spectacle (d’une demi-heure environ), on attend une bonne trentaine minutes, prévue pour pouvoir assister aux Rencontres Amoureuses, pour lesquelles il faut faire la queue ; aucune certitude de pouvoir y assister sauf si on a quitté le plateau du précédent spectacle pendant les saluts.
La Malcastrée, de Céline Champinot (artiste associée de cette édition du festival SPOT), premier spectacle de la soirée, présente Jean-Christophe Quenon lisant assis (très bien malgré tout) la logorrhée verbale délirante et autobiographique d’Emma Santos. On a du mal à suivre les délires de l’auteure, distraits par la comédienne Elise Marie interprétant Santos qui découpe puis dépose des pénis en carton tout autour du plateau. On attend un peu la fin.
Le second spectacle, de Nicole Genovese, Thérèse des Banlieues, raconte l’histoire du désir physique d’une femme pour les voitures, et particulièrement son histoire d’amour avec Thérèse, Citroën Xantia avec suspensions hydrauliques, dernière du genre. Le spectacle amuse en mettant subtilement en parallèle le monde du sexe et celui de l’automobile, notamment en montrant les similarités lexicales entre Auto + et ce qui pourrait être Hot Video ou Dorcel Mag. Une bonne surprise au départ, qui s’éternise sur quarante minutes.
Le but de cette carte blanche étant de partager sa propre inspiration, Thibaud Croisy a choisi de nous raconter ses pensées et élucubrations de ces derniers mois. Dans La Prophétie des Lilas, où il lit son texte assis derrière un bureau de façon monolithique et sans variations, il nous raconte comment il a retrouvé le Dr Johnson, ancien gynécologue de sa mère qui l’a vu naître (au sens propre du terme). Johnson étant un fervent défenseur de l’IVG dans les années 1970, il pousse Croisy à croire en la libre disposition de soi, pour lui-même du moins, c’est-à-dire pouvoir faire ce qu’on veut de son corps (dents, kystes, fluides, cheveux, organes compris). Très, trop personnel. On sourit, presque par gêne, de l’absurdité racontée avec un ton si quotidien. Est-ce qu’un public d’inconnus était nécessaire ?
Dans les (longs) interspectacles, on a la possibilité d’assister à une ou plusieurs Rencontre Amoureuse, projet de Guillaume Barbot, trois comédiens étant présents dispersés dans l’espace du Grand Parquet, prêts à recevoir les spectateurs un par un pour trois minutes. Trois minutes d’intense intimité renforcée par un système micros-casques qui plonge le couple comédien-spectateur dans un espace-temps différent de celui du Grand Parquet. Cette proximité provoque une agréable sensation de libération, de pouvoir exprimer sa réelle pensée sur l’amour ou le sexe, quand on nous laisse la parole et que l’on ne nous raconte pas une histoire. Sans doute le projet le plus original et prenant de la soirée.
Une soirée de finalement presque trois heures pour 1h45 de lecture-spectacle maximum. On a le temps d’admirer l’originalité et la beauté de l’endroit.
Carte Blanche,
Guillaume Barbot // RENCONTRE AMOUREUSE
Nicole Genovese // THÉRÈSE DES BANLIEUES
De et avec : Nicole Genovese
Mise en scène : Claude Vanessa
Céline Champinot // LA MALCASTRÉE
d’Emma Santos (lecture)
Avec : Jean-Christophe Quenon (grand acteur du théâtre français) et Elise Marie (auteur posthume)
Dramaturgie : Céline Cartillier
Lumière : Claire Gondrexon
Collaboration artistique, découpage pénis : Sabine Moindrot
Thibaud Croisy // LA PROPHÉTIE DES LILAS
De : Thibaud Croisy. Avec : Sophie Demeyer et Thibaud Croisy. Lumières et images : Emmanuel Valette.
Festival SPOT,
Le 20 et 21 mai 2016,
Théâtre du Grand Parquet,
35 rue d’Aubervilliers
75018 Paris