Article de Pierre-Alexandre Culo
Rêveries artisanales et promenades en santiags
Philippe Quesne fusionne le temps d’un spectacle une nouvelle fois improbable l’univers du western dans les paysages brumeux du romantisme allemand. Eclairée au feu artificiel de cow-boys égarés, la peinture de Friedrich se teinte de la poésie maladroite et et si particulièrement touchante de Philippe Quesne. Créé avec les acteurs de la Kammerspiele de Munich, le metteur en scène use d’un matériau littéraire et poétique très présent et disparate qui peine à certains moments à trouver une dynamique continue.
© Martin Argyroglo
Au coin de ce feu de fortune, quatre hommes et une femme partagent quelques notes de musique avant de se mettre à la construction d’un musée : « The Caspar Western Friedrich Museum ». Les cinq figures peignent, déplacent des rochers en polyester, présentent une nouvelle forme d’audio-guide incrustée dans la roche ou tentent encore d’étendre une toile sur un mur. Il n’y aura rien d’autre à voir hormis l’avancée de cette construction qui n’arrivera jamais à terme. Comme dans ces précédents opus, Philippe Quesne offre au spectateur un observatoire, un vivarium à chaque fois inédit où des hommes tentent de bâtir l’emplacement de leurs utopies. L’enchaînement d’événements quotidiens se développent jusqu’à l’apparition d’instants poétiques forts faits avec les moyens du bord. La toile du Voyageur contemplant une mer de nuages sans voyageur est tendue, une plate-forme est installée au niveau du rocher, chacun y monte à son tour. Et la parole surgit. Fait de rien, la fragilité et la sincérité de ces instants développent une qualité de regard qui n’appartient qu’aux spectacles de Philippe Quesne. Car qui aurait pu se rendre compte qu’il neigeait depuis tout ce temps. Ces cow-boys ambulants façonnent les paysages romantiques avant de les démonter pour n’en offrir qu’un instant fugace. Magie somptueuse et artisanale d’une valse de brumes et de pulvérisateurs anti-incendie. Ces moyens purement scéniques immergent la salle dans une sensation complète des éléments naturels du tableau. Une promenade contemplative et surprenante au sein des peintures du peintre allemand.
© Martin Argyroglo
Peut-être l’un des spectacles les plus difficiles d’accès du metteur en scène, l’ensemble n’en reste pas moins exaltant.
Caspar Western Friedrich
Acteurs Peter Brombacher, Johan Leysen, Stephan Merki, Julia Riedler, Franz Rogowski
Collaboration artistique Elodie Dauget, Léo Gobin
Dramaturgie Johanna Höhmann, assisté de Martin Stauber-Valdes
Assistantes mise en scène Anta Helena Recke, Lulu Tikovsky
Lumière Pit Schultheiss, Philippe Quesne
Son Robert Goeing, Rinse De Jong
Régisseur de scène Lutz Müller-Klossek
Assistante scénographie Marie Häusner
Assistante costumes Sophia May
Du 15 au 19 février 2016
Nanterre Amandiers
7 avenue Pablo Picasso
92 022 Nanterre Cedex
http://www.nanterre-amandiers.com/