[La Fabrique des écritures] « CÉLINE », avec cette création Juliette Navis conjure la mort par une poésie crue

Céline, mise en scène Juliette Navis © Philippe Couture

Après un passage au Théâtre de l’Aquarium, Céline est revenue à L’Étoile du Nord les 10 et 11 février dans le cadre du Festival de la Fabrique des écritures qui a pour ambition d’organiser une rencontre avec les nouvelles écritures théâtrales. Juliette Navis porte sur scène le deuxième volet du triptyque initié en 2019 avec J.C. inspiré par une autre grande icône de la pop culture : Jean-Claude Van Damme.

Du haut de ses talons aiguilles, une grande femme blonde traîne à tous petits pas une énorme remorque derrière elle. Celle-ci renferme les souvenirs de sa vie. Secrets qui, face à une mort inéluctable, seront soufflés une dernière fois. Prouesse de cette création, Céline, qui n’est pas la Céline Dion que nous connaissons mais qui s’en approche à dessein, entraîne les spectateur.rice.s jusqu’aux plus grands concerts, jusqu’au Si bémol idéal, sans jamais pousser la chansonnette. Et elle donne le ton dès le début de ce conte : « Plus personne ne me regarde. J’ai l’impression que je suis déjà en train de mourir ».

Multipliant les effets spectaculaires – traits d’humour décapants, derrière ostensiblement présenté sous un justaucorps pailleté, chevelure de boucles d’or clipsées, talons vertigineux, stéréotypes assumés – cette Céline ne parviendra pas à enfouir sous ces couches d’artifices la tendresse, la poésie et par-dessus tout le besoin existentiel de trouver, dans le regard des autres, la reconnaissance d’une vie qui a du sens, d’une place trouvée parmi la multitudes de personnes qui ont réussi à « être quelqu’un ».

Arrivée à l’extrémité du fil de sa vie, exténuée d’avoir tenté de suivre, sans relâche, les nombreuses ficelles de sa carrière, Céline nous renvoie à la peur de n’avoir été, au bout du compte, qu’un pantin désarticulé. Après un silence salutaire, au gré d’une balade toute de délicatesse et de nostalgie, la pièce nous ramène doucement, lentement, à la sagesse que les plus grands artifices ne vaudront jamais la subtilité et la beauté des choses essentielles : la nature, le contact avec soi-même et les vivants. Si on le réalise à temps, les grandes cordes surplombant la scène, menaçant constamment de transformer nos vies en un spectacle de marionnettes sans âmes, nous serviront peut-être simplement à hisser les voiles vers un retour à l’essentiel. C’est sans doute là que l’on peut trouver sa voie.x.

Paradoxalement, c’est bien la magie du théâtre épuré – création lumière simple, plateau nu et quelques objets percutants – qui fera voyager les spectateur.rices dans les souvenirs de ce personnage. Pour rejoindre forêts, rivières, villages et concerts extravagants, pas besoins de milliards de dollars canadiens.

Une mention spéciale à la comédienne Laure Mathis qui, par sa performance haletante, maintient le récit tendu de cette lutte contre l’absurdité de l’existence.

« Then how when Nature calls thee to be gone,
What acceptable audit canst thou leave ? »
Sonnet IV, Shakespeare

« Et lorsque tu devras enfin quitter ce monde
Quelle sera pour toi la dette que tu laisses ? »
Version de Michel Bernardy

Céline 500-500

Céline, mise en scène Juliette Navis © DR

La fabrique des écritures IG visuel

Informations pratiques

CÉLINE – Création
La Fabrique des écritures du 25 janvier au 17 février 2023

Mise en scène
Juliette Navis

Interprétation
Laure Mathis

Dramaturge Nils Haarmann
Aide à l’écriture Philippe Couture et Douglas Grauwels
Créateur son Antoine Richard
Créateur lumière Fabrice Ollivier
Scénographe Arnaud Troalic
Chorégraphe Romain Guion
Création costume Pauline Kiefferc
Création maquillage/coiffure Maurine Baldassari

Dates
Vendredi 10 février et samedi 11 février 2023 au Théâtre L’Étoile du Nord, Paris

Durée
1h15

Adresse
Théâtre L’Étoile du Nord
16, rue Georgette Agutte
75018 Paris

Informations complémentaires

Théâtre L’Étoile du Nord
etoiledunord-theatre.com