Chez moi de Victoria Yakubova, aux éditions l’Espace d’un Instant
Il y a ceux qui savent, et qui de ce fait, sont sûrs de leur bon droit : je suis ici chez moi ! ou bien : on ne veut pas de ça chez nous ! Ils se disent de souche, comme des plantes, ils sont enracinés et ne connaissant guère le vaste monde que comme touristes ou comme prédateurs.
Et puis, il y a ceux que les tempêtes déracinent et poussent au loin, vers des terres prometteuses et souvent décevantes parce qu’elles sont davantage des fantasmes que des lieux.
On dit que les Juifs ont toujours une valise prête, au cas où recommenceraient les pogromes, où les nazis reviendraient, où leur serait encore et toujours dénié le droit à l’existence. Peuple errant mais à l’identité forte, peuple malmené par l’Histoire, le peuple juif est de partout et de toujours. À ce titre, il devient vite un pur fantasme.
Victoria Yakubova est née juive à Tachkent, capitale de l’Ouzbékistan, dans ce qui était à l’époque l’Union Soviétique. Dans cet immense empire, si les Juifs, comme partout, semblaient des gens bizarres, du moins, ils avaient cessé d’être en butte aux persécutions. Les enfants jouaient joyeusement, et l’air sentait bon le melon bien mûr.
Mais la pérestroïka a tout remis en question : les différentes républiques se sont senti pousser des ailes, les nationalismes ont fleuri et les économies se sont effondrées. Alors, commencent à se poser les questions vitales : est-ce qu’on peut trouver des œufs ? les magasins sont vides, cependant que les marchands s’installent sur les trottoirs et balbutient le comportement capitaliste en pratiquant des prix de marché noir…
Les temps troublés sont propices au retour des préventions « c’est vrai que les gâteaux que vous mangez sont faits avec les sang des enfants ? » puis les menaces : laissez-nous votre appartement, sinon… puis une certitude : il faut partir. Et comme une évidence, partir en Israël, où il n’est pas certain que l’on puisse vivre en paix…
Ce sera donc Israël où les « Russes » sont considérés comme des étrangers par les Sabra et considèreront eux-mêmes comme étrangers les sépharades… La jeune fille se sentira mal dans ce pays, avec toujours au cœur la nostalgie de Tachkent où il est stipulé que le retour est impossible. C’est à Paris qu’elle tentera de s’établir, avec des difficultés également… Où poser sa vie ? et surtout quelles leçons peut-on tirer de ces va-et-vient ? Dans chaque pays, on laisse un peu de son cœur, chaque installation engendre la nostalgie, et puis un jour, on finit par comprendre que « chez moi » est un rêve, une simple idée. Ce n’est ni un lieu ni même un temps. C’est l’amour que l’on rencontre et l’art que l’on construit. Alors, pour écrire ou pour faire des films, on est finalement chez soi là où on peut créer. Et fi des racines !
Ce court récit écrit d’une plume alerte et succincte pourrait donner lieu à une adaptation théâtrale. Son humour tendre y pourrait faire merveille.
Informations pratiques
Auteur(s)
Victoria Yakubova
Prix
14 euros
Éditions L’Espace d’un instant
parlatges.org