« CHRONIQUES D’UNE VILLE QU’ON CROIT CONNAÎTRE suivi de BRAVEHEART », l’auteur syrien Wael Kadour trace une intense et déchirante écriture de l’exil

« Personne n’est trop éloigné pour ne pas être notre voisin, affirme Yassin al-Haj Saleh, personne n’est trop étranger pour ne pas être l’un des nôtres. »

Wael Kadour est né à Damas en 1981. Auteur, dramaturge et metteur en scène, il quitte la Syrie fin 2011 pour la Jordanie, où il passe quatre ans, avant d’arriver en France début 2016. Depuis, il est collaborateur artistique et littéraire pour de nombreux projets en France, en Allemagne et en Suède.

Ce sont des conflits de mémoire qui entrent notamment en jeu dans son théâtre et son écriture : conflit entre la mémoire émotionnelle et la mémoire politique, croisé avec celui sous-jacent entre mémoire individuelle et collective. La question de la limite, de la frontière, est également présente dans son travail où, justement, les limites sont floues et se brouillent : où s’arrête la réalité et où commence la fiction ? Comment produire de la fiction et de l’imaginaire, cœur du travail de l’artiste, suite à un déplacement forcé causé par la guerre ? Comment le « Soi » se fait et se défait à travers de telles épreuves ?

Chroniques d’une ville qu’on croit connaître est basé sur une histoire vraie, un fait divers tragique qui a eu lieu juste après le déclenchement de la révolution puis de la guerre civile en Syrie : le suicide d’une jeune femme une nuit de l’été 2011. La force du texte tient au fait que la principale protagoniste est absente de la scène mais présente en filigrane tout au long de l’œuvre à travers le regard des amis et proches qui l’ont connues. Son acte désespéré et irrémédiable met à jour les fractures de la société syrienne contemporaine et de ses membres, tiraillés entre le poids des conventions sociales, le désir de liberté et l’implacable chape de plomb que fait peser la dictature sur leur vie et jusqu’au plus profond de leur intimité.

Le questionnement sur le « Soi » se retrouve également dans Braveheart à travers l’acte d’écriture que tente de poser Aline, Syrienne réfugiée dans une petite ville française inconnue. Sa tentative de réunir un matériel créatif en vue d’écrire son histoire se heurte à un passé traumatisant au cours duquel elle a subi la répression du régime syrien dans sa chair en étant emprisonnée et torturée, ce qui rend compliqué toute tentative de construire un futur dans cette situation d’exil physique et mental, où la justice est rendue impossible. Elle entre alors dans une relation avec un jeune homme, réfugié lui aussi, qu’elle soupçonne d’avoir travaillé dans le renseignement au service du régime en Syrie. La mécanique de la violence pénètre alors progressivement leur relation dans une spirale destructrice.

La force de l’écriture de Wael Kadour tient avant tout à cela : mettre à jour la part d’universel dans les blessures et les fêlures de l’exil, de sorte que « personne [ne soit] trop étranger pour ne pas être l’un des nôtres. »

Informations pratiques

Auteur(s)
Wael Kadour
Traduction Nabil Boutros pour Chroniques d’une ville qu’on croit connaître Simon Dubois pour Braveheart

Prix
15 euros

Éditions L’Espace d’un instant
parlatges.org