« Chute d’une nation _ parties 1 et 2 », Mise en scène Yann Reuzeau, au Théâtre Michel

Article de Sébastien Scherr

Feuilleton politique

Dans la lignée de « Borgen », « House of cards » ou « Les hommes de l’ombre », Yann Reuzeau signe ici un feuilleton politique haletant en quatre parties dont l’originalité est que c’est le premier du genre au théâtre. Un député catholique se présente aux primaires de l’Union de gauche, et se prenant au jeu de la politique politicienne, se découvre une ambition dévorante insoupçonnée que son éducation chrétienne avait jusqu’ici étouffée. Son inflexibilité et son refus de transiger sur les valeurs morales le distinguent du reste de la classe politique et force l’admiration d’une part croissante de l’opinion. Jusqu’où sa carrière pourra-t-elle avancer dans cet étroit chemin sans concession et à l’abri de toute compromission ?

chute_d_une_nation_sabrina_moguez_2© Sabrina Moguez

L’écriture présente certes quelques failles : l’histoire n’est pas du tout ancrée dans le réel, on ne sait pas bien quand ni où cela se passe. Probablement en France, mais ni le pays ni aucune région n’est jamais mentionnée, le député Vampel n’évoque jamais son terroir et ne se préoccupe guère de ses administrés tant il est absorbé par son parcours national. Plus gênant, les personnages paraissent souvent comme des esquisses : le héros est « très croyant », nous dit-on, mais à part quelques prières mimées entre deux portes, on ne lui voit aucune quiétude ou spiritualité, ni relations avec des hommes d’église ; ce fervent catholique ne parait pas très attaché à sa famille, à peine mentionne-t-il l’éducation de ses enfants dans un meeting, mais pas un coup de fil échangé avec son épouse, même au soir du résultat des primaires : que partage-t-il avec elle ? Les affaires sentimentales de sa jeune chargée de communication, les problèmes d’argent de son spin doctor, ou l’histoire de famille compliquée de son attachée parlementaire paraissent peu creusées ou alambiquées.

chute_d_une_nation_sabrina_moguez_1© Sabrina Moguez

Pourtant, le spectacle fonctionne à merveille. L’histoire est haletante, les épisodes pleins de tension tiennent le spectateur en haleine. Cette réussite est due avant tout à l’écriture vive et incisive des dialogues, qui ne laissent pas le temps à l’hésitation. A l’intrigue soutenue qui offre attentes et rebondissements, même si le rythme effréné renforcé par la direction d’acteur pourrait gagner avec quelques temps de pause. Elle doit aussi beaucoup au jeu des comédiens débordant d’énergie, jamais en repos, qui campent des personnages toujours en devenir. Didier Mérigou, en particulier, construit en Weider un conseiller fin et attachant tant par ses défauts que son intelligence. La mise en scène très sobre avec sa scénographie épurée suffit à l’action et embarque le public dans ce roman national qui parle à tous.
Chute d’une nation interroge le pouvoir et ses méandres et offre un bon divertissement doublé d’une réflexion pertinente sur la vulnérabilité de nos démocraties. La suite au prochain épisode.

 

Chute d’une nation
Durée : 4 parties de 1h40
De Yann Reuzeau
Mise en scène Yann Reuzeau
Création Lumières François-Eric Valentin
Avec Walter Hotton, Didier Mérigou, Sophie Vonlanthen, Leïla Moguez, Yvan Lambert, François Hatt ou Morgan Perez, Emmanuel de Sablet, Smadi Wolfman, Raphaël d’Olce, Michel Hooper, Marc Brunet ou Pierre Deny, Lionel Nakache

Du 3 novembre au 22 décembre 2015

Théâtre Michel
38, rue des Mathurins
75008 Paris
www.theatremichel.fr