« CINÉ  » Mémoire douloureuse dans l’Espagne post-franquiste

Équipé d’un casque audio, le spectateur s’imprègne d’une atmosphère bien particulière. Derrière l’écran translucide, les scènes s’enchaînent comme au cinéma (bruitages, micros, plans, projections…). « Ciné » nous entraîne dans un voyage initiatique, celui du personnage Pablo, guitariste espagnol âgé de 30 ans à la recherche de sa mère biologique. Son nom ne figure pas sur le dossier et l’homme sait seulement qu’il a été adopté. Pourtant cet amoureux du septième art poursuit sa quête d’identité et de vérité d’Espagne en Italie, au gré de ses rencontres. L’histoire intime lève peu à peu le voile sur un passé trouble dont on parle à peine encore aujourd’hui : 300 000 bébés ont été volés en Espagne de 1939 jusqu’aux années 80. Comment ce système s’est-il mis en place sous la dictature de Franco ? Quels en étaient les responsables ? Pourquoi le sujet est-il occulté ? Qu’en restera-t-il à l’avenir ?

 

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© Mario Zamora

Déjà invitée lors de Chantiers d’Europe avec « Materia Prima », la compagnie La Tristura très remarquée sur la scène espagnole présente sa dernière création « Ciné » qui touche à la fois à la vie d’individus et à un passé commun à ne pas oublier. Sans pathos, ni dénonciation, le collectif réveille à travers ses textes et son théâtre une mémoire douloureuse qu’il confronte au présent et à l’avenir. En filigrane, le spectateur découvre quelques éléments historiques mais la visée de cette pièce n’est pas à proprement parler documentaire. Vous seriez déçu sur ce point. Les actions s’inscrivent dans une certaine linéarité, sans effusions, ni de renoncements. La portée dramatique se fait ressentir à peine par la quête de Pablo et la présence des enfants symbolisant les bébés enlevés mais aussi les générations futures. Cette fiction d’une apparente simplicité, à la beauté esthétique et poétique se savoure comme un bonbon acidulé et laisse réfléchir.

La mise en scène de Celso Giménez et Itsaso Arana se place entre le théâtre et le cinéma avec de nombreuses images et références artistiques. Par une vision humaniste et légère, « Ciné » invite à ne pas céder aux doutes ni à la peur, mais à affronter la réalité où se mêlent subtilement les souvenirs et la fiction. La scénographie d’Ana Muñiz est particulièrement bien soignée et célèbre le voyage et les arts. Le jeu des comédiens et les procédés d’immersion peinent à nous emporter malgré quelques beaux moments. L’institutrice invite les enfants à regarder le passé pour mieux envisager l’avenir : « celui qui regarde en dehors rêve, celui qui regarde à l’intérieur s’éveille ». Sur une note d’espoir, Pablo Und Destruktion chante : «Vamos a ponernos a vivir» (Commençons à vivre !).

 

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© Mario Zamora

Informations pratiques

Auteur(s)
Itsaso Arana et Celso Giménez
Collectif La Tristura

Mise en scène
Itsaso Arana et Celso Giménez
Assisté de Violeta Gil

Avec
Itsaso Arana, Fernanda Orazi & Pablo Und Destruktion
Voix Roberto Baldinelli, Javier Gallego, Eduardo G. Castro, Miren Iza, Adriana Salvo
& les enfants  Lola Lemaire, Nel Esposito, Ilies Amellah, Chiara Vergne, Zeno Temkine

Dates
25 et 26 mai 2018

Chantiers d’Europe 2018 – 9ème édition

du 14 au 30 mai 2018


Durée
1h25

Adresse
Théâtre des Abbesses
31, Rue des Abbesses
75018 Paris

CHANTIERS D’EUROPE 2018 – 9ème édition

3 lieux : Espace Pierre Cardin / Théâtre des Abbesses /Institut culturel italien

 


Informations complémentaires
Collectif La Tristura :
http://www.latristura.com/
Chantiers d’Europe 2018 :
http://www.theatredelaville-paris.com/fr/spectacles/saison-2017-2018/chantiers-deurope