article de Bruno Deslot
La cerise sur le gâteau
Dona Petrona de Gandoulfo, célèbre pâtissière télévisuelle de l’époque, transforment les plats salés en objets aussi surprenants qu’inattendus « L’épi de maïs, La ruche, Le tambour, La montre, Le drapeau argentin, Livre de prières… » s’agrègent à une farandole de préparation culinaire dont elles livrent les recettes face au petit écran argentin afin de métamorphoser « la misère des classes modestes en un éclatant luxe pâtissier ».
Elu en 1946, le premier mandat présidentiel de Juan Peron coïncide avec l’enfance d’Alfredo Arias en Argentine. Peron est la figure autocrate à la tête d’un mouvement populiste et chassé du pouvoir par les militaires en 1955, Alfredo Arias, vit son enfance à l’ombre de ce régime à mi-chemin entre Disneyland, avec l’image féerique que véhicule Eva Peron (dite Evita) la deuxième épouse du militaire, et un régime totalitaire, ne faisant pas la part belle aux ouvriers et industriels. Mais, chaque jour, la ronde des desserts et autres mets fameux, s’imposent derrière le petit écran, avec toujours plus de joie et de conviction. Dona Petrona officie en cuisine pendant que le petit Alfredo tente de s’émanciper d’une mère intrusive et d’un père absent.
En fond de scène, un long tissu vaporeux, partant des cintres et jonchant le sol, est accompagné, de part et d’autre, de deux autres longs tissus. Tous trois portent les couleurs du drapeau argentin. De chaque côté de la scène, une cordelette supporte le poids des tableaux sur lesquels sont peints les inventions culinaires, totalement surréalistes de Dona Petrona. Le plateau est parsemé de confettis blancs, tout comme cette longue table blanche, placée à jardin et ce magnifique divan blanc lui aussi et qui en dit long sur les séances de psychanalyse d’Alfredo Arias. Enfin, de chaque côté de la scène, sur une colonne, repose un gâteau rond, aux couleurs rehaussées d’un bleu et blanc, parachevant un décor suave et suggestif. Les comédiens entrent et quittent le plateau en glissant leur silhouette délicate derrière les tissus aériens placés en fond de scène, proposant parfois, grâce à un éclairage subtil, l’illusion d’assister à un jeu d’ombres chinoises. Habillée d’une robe de soirée rouge vif, coiffée d’un chignon vertigineux et portant en châle le drapeau argentin, la belle Andrea Ramirez ponctue le spectacle par des intermèdes chantés avec la grâce et le vibrato de cette culture latino si touchante. « On s’est rencontrés simplement, et tu n’as rien fait pour chercher à me plaire… » raisonne au début du spectacle comme la promesse d’une rencontre enchanteresse entre Dona et Alfredo, tout deux costumés en blanc.
Habillé tout en blanc, Alfredo ressemble à un petit garçon avec sa paire de baskets bleue ciel et coiffé d’une raie sur le côté de la tête. Perché sur de hauts talons, Dona, porte une robe d’un blanc éclatant, épinglé d’un nœud papillon aux couleurs du drapeau argentin.
Les inventions culinaires de Dona filent la métaphore de l’enfance d’Al (Alfredo Arias) et tout au long du spectacle leurs échanges retracent la vie d’un gamin en proie à une mère abusive, lui reprochant ce qu’il n’est pas et puis ce qu’il est : homosexuel ! Al communique avec son double imaginaire, Dona, une cuisinière parfaite.
Grâce à une mise en scène simple et efficace, chaque personnage donne du sens à ses répliques parfois piquantes, tantôt ironiques ou comiques. Rien n’est réellement dit, tout est en suspens, l’ensemble fonctionne à merveille car l’auteur recourt au principe d’une énonciation aussi légère que puissante.
Alfredo Arias signe une proposition d’une esthétique et d’une sobriété foisonnantes à l’image de son imaginaire.
Comédie pâtissière
texte et mise en scène Alfredo Arias
avec Alfredo Arias, Sandra Macedo, Andrea Ramirez
espace scénique Alfredo Arias
lumières Jean Kalman
costumes Pablo Ramirez
assistant à la mise en scène Olivier Brillet
sculptures Daniel Cendron
perruques Catherine Saint Sever
accessoires Larry Hager
du 18 septembre au 18 octobre 2015
Théâtre de la Tempête
Cartoucherie
Route Du Champ de Manœuvre
75012 Paris
http://www.la-tempete.fr/