« Comment on freine ? » mise en scène d’Irène Bonnaud au CDN LA Commune Aubervilliers

Article de Brian BB

Au théâtre de la conscience

Un spectacle à faire vomir une salle frontiste ou réactionnaire. D’essence féministo-bobo-intello il est vrai, mais au sens le plus mélioratif, cette création s’interroge (et nous avec) sur l’absurdité terrifiante de notre monde. Et ce en profondeur, avec une obstination tragi-comique inspirée. En un effet miroir saisissant, voire culpabilisant, la condition humaine et son système planétaire apparaissent dans leurs contradictions les plus crues. Les plus cruelles.
À l’heure des aveuglements et frilosités généralisés, de la mélasse et de la gaudriole culturelles pour mieux oublier, une oeuvre universelle à découvrir sans tarder. Ni freiner.

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© Elisabeth Carrechio

Ça débute plan-plan: décor minimaliste, couple en retrouvailles difficiles après un accident de voiture, cartons empilés autour d’eux…on craint l’égocentrisme cul-cul-turel. Et puis le personnage féminin déballe son mal-être en même temps que les cartons remplis de fringues inutilisées devant un compagnon amoureux mais perplexe. Il cherche à comprendre, nous également. Et ça démarre. Avec eux deux, on entre peu à peu dans un questionnement essentiel sur notre mode de vie.
Consommation à outrance, irresponsabilité qui en découle, celle aussi des fabricants et distributeurs de par le monde. Car à l’autre bout de la chaîne, les ouvrières de pays lointains (et si exotiques à nos yeux d’Occidentaux) vivent l’enfer fait d’un quotidien de cadence et de rentabilité exigées par le système. Quand elles ne meurent pas d’une catastrophe due à la vétusté de leur usine. Un pont soudain et fantasmagorique nous relie à leurs existences sacrifiées.
Manipulation, culpabilité, méditation, fragilité, sont au programme de ce spectacle à la bande-son hypnotique, à la mise en scène subtile et symbolique, et au texte graduellement évocateur. « Je ne suis plus une femme…je suis un geste. Un geste mécanique. Je ne suis plus un être humain…mais un futur gravât. » nous clame une de ces esclaves, souvent mineures, de nos temps modernes.

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© Elisabeth Carrechio

Interprétée par une émouvante (et ravissante) artiste indienne se dédoublant par séquences en danseuse et chanteuse traditionnelle, également magnifiée par un duo de comédiens au plus près du trouble urticaire et philosophique qui les a envahis, cette fable humaniste nous parle de conscience. De courage. De lucidité. Ici et maintenant. Avec un brin de longueurs, un brin de féminisme orienté (les hommes souffrent aussi à Dacca) mais surtout avec un éclairage authentique et un finale superbement chorégraphié.
Plutôt chouette, pour l’époque.

 

Comment on freine ?

De Violaine Schwartz
Mise en scène Irène Bonnaud
Avec Valérie Blanchon,Anusha Cherer ,Jean-Baptiste Malartre
Scénographie et costumes Nathalie Prats
Lumière Daniel Levy
Chorégraphie Jean-Marc Piquemal

7 au 17 JANVIER 2016

CENTRE DRAMATIQUE NATIONAL « LA COMMUNE » AUBERVILLIERS
2 rue Edouard Poisson
93300 Aubervilliers
lacommune-aubervilliers.fr