« COMPARUTION IMMÉDIATE – Une justice sociale ? »  Derrière les barreaux, l’urgence de dire : un huit-clos sans filtre sur les dérives de notre société 

Des paravents érigés, une barre de tribunal au centre et voilà le public transporté dans une salle d’audience. De cette enceinte rutilante en aluminium, le comédien Bruno Ricci livre les paroles authentiques d’hommes et de femmes pris dans l’engrenage judiciaire. La comparution immédiate scelle en un quart d’heure le destin du suspect qui selon la peine prononcée, est libéré ou emprisonné à tort ou à raison. Manque de moyens, avocats souvent commis d’office qui découvrent les dossiers empilés incomplets ou vides, les cas s’enchaînent en toute hâte, à longueur de journée. Face à ces individus fragiles qui défilent, le risque de mal juger est pourtant bien réel. Une galerie de portraits truculents, incarnés sans pathos par le talentueux Bruno Ricci. Sous la lumière blanche du prétoire, l’acteur se mue en apprenti voleur, toxicomane, dépressif, plaignant tout aussi bien qu’en avocat éloquent ou dépassé, expert psychiatre, procureur ou juge dont les sentences sans appel tombent au rythme du coup de marteau. S’intercalent des intermèdes poétiques sur la scène transformée en prison par l’éclairage moiré, où résonne la voix poignante de détenus. Écritures puissantes et sensibles, des messages plein d’espoir et d’humanité. Ce théâtre documentaire dépeint une société ordinaire à la dérive, des situations absurdes et drôles où le comédien devient un porte-voix. Cette pièce interpelle le public sur la justice de notre pays et nos droits fondamentaux. Des barreaux de tribunaux français à ceux des geôles, à vous de juger !

 

EXTRAIT :

Tribunal de Paris

Après le délibéré, une ribambelle attend dans le box et le président s’emmêle gravement.

Deux mois sans mandat de dépôt annonce-t-il à José qui sourit :

– « Oh merci président ».

– « Six mois ferme » colle-t-il à Houari, un toxico qui dort debout. Mais tout à coup, il consulte sa pile de dossiers, regarde Houari :

– « Qui êtes-vous ? Le 5 ou le 3 ? Où est le 5 ? »

– « C’est celui qui vient de sortir » chuchotent les assesseurs gênés,

« Vous lui avez mis la peine du 3 ! ».

Le juge rectifie la peine de Houari :

– « Vous c’est deux mois, sans mandat de dépôt !

– « Oh, merci ! Oh vous êtes un ange ! »

Le juge glousse et ordonne :

– « Faites remonter le 5 ! ».

José revient.

– «Vous, c’est six mois ferme ! »

– « Je comprends rien… Je sors pas ce soir ? »

– « On vous avait pris pour un autre ! Vous c’est six mois ! »

(MARTEAU)

Pourquoi s’excuser, hein ?

Dominique Simonnot,

issu des chroniques judiciaires « Coups de barre » publiées dans les colonnes du Canard Enchaîné.

 

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© Eric Didym

Après avoir réuni en 2013, au Théâtre du Rond-Point, Romane et Richard Bohringer dans « J’avais un beau ballon rouge », Michel Didym met en scène en 2014 « Comparution immédiate », une création basée sur les textes de la chroniqueuse judiciaire Dominique Simonnot retranscrits fidèlement lors d’audiences publiques pour Libération puis pour le Canard Enchaîné. Ces propos précieux s’adaptent naturellement à la scène théâtrale, transformée ici en prétoire pour permettre aux spectateurs de juger à leur tour. De l’ombre à la lumière, le pouvoir des mots peut faire réfléchir et ouvrir les voies de la liberté. La scénographie astucieuse joue sur deux tableaux et l’espace : elle montre l’enfermement et l’atmosphère pesante qui règne dans le palais de justice comme dans la prison. Sans larme ni excès, c’est avec distanciation et une belle énergie que le comédien Bruno Ricci commente et incarne habilement tous les acteurs dépassés, irraisonnés d’un système judiciaire saturé qui s’étale de tout son poids de façon imagée (dossiers tombés) et où les jugements se font à l’emporte-pièce. L’interprète nous touche en prévenu plein de failles ou en prisonnier résigné ou mélancolique. La délicatesse des textes de détenus de Nancy et de Toul nous pénètre immanquablement. La dramaturgie est accentuée par les situations désespérées, l’injustice et la privation de liberté. La justice est pour Michel Didym un marqueur de l’état d’une démocratie. Cette procédure expéditive, qualifiée par la profession de « justice de l’abattage », fournit aujourd’hui plus de 50% des prisonniers ! Non préparés au monde carcéral, les accusés subissent une rupture sociale brutale et lourde de conséquences, la réinsertion peut s’avérer complexe. Ce spectacle est empli d’une profonde humanité composée d’hommes aux multiples facettes, l’individu est ici magnifié et les situations poussent à réfléchir.

Informations pratiques

Auteur(s)
D’après les textes de Dominique Simonnot

Mise en scène
Michel Didym

Avec
Bruno Ricci

Dates
Du 27 septembre au 22 octobre 2017

Durée
1h15

Adresse
Théâtre du Rond-Point – Salle Roland Topor
2 bis, avenue Franklin D. Roosevelt
75008 Paris

https://www.theatredurondpoint.fr