Article de Julien Dumas
Le cocu imaginaire de William Shakespeare
Il était une fois un roi, qu’une folle jalousie dévore et qui commande de faire tuer son ami d’enfance et de faire enfermer sa femme, croyant à un adultère bien consommé.
© Elian Bachini
Léonte, roi de Bohème, est persuadé que sa femme, Hermione, porte l’enfant de Polyxènes, roi de Sicile, pourtant son ami et presque son frère. Pour punir cette trahison, il fait enfermer sa femme et manque de peu de faire empoisonner son ami. Mais celui-ci, grâce à l’aide d’un serviteur de Léonte, réussi à échapper à l’injuste vengeance en regagnant son royaume. Hermione, met au monde une fille, Perdita, qui sera abandonnée sur ordre du roi. Dans un ultime élan de tyrannie, Léonte défie alors les dieux, faisant fie à l’oracle d’Apollon, en infligeant à sa femme le plus malhonnête des procès.
Le ton est donné, dans ce premier acte sombre, mais est-ce là le dernier mot de l’auteur ? Pas selon Philippe Car, le metteur en scène, pour qui la pièce pourrait bien révéler un conte plus comique qu’il ne le laissait entendre de prime abord. Ce changement de registre, on le doit à la virtuosité d’une mise en scène pleine de ressources et de surprises. Comme on tourne une page du conte, un nouveau décor s’installe sous nos yeux et l’histoire déroule sa suite, aussi colorée qu’inattendue. L’Agence de Voyages Imaginaire nous emmène alors, par les prouesses d’une mise en scène très travaillée, dans une féerie dont la plus grande magie est de nous faire croire en un divertissement enfantin. La diversité technique de cette réalisation est transcendée par le jeu de comédiens capables de faire glisser le théâtre entier de la tragédie à la comédie, de l’hiver à l’été, du réel au fantastique.
© Elian Bachini
Pour accomplir cet exploit, le théâtre est investi bien au-delà de la scène, un espace délimité mais pas imperméable, qui autorise le spectateur à s’immiscer dans les coulisses, à découvrir les secrets de l’envers du décor. On vit la pièce sur scène et derrière la scène et c’est le théâtre entier qui s’anime au rythme des comédiens-musiciens. Car c’est là le clou du spectacle. Ils sont six et ont l’air d’être cent ! Ils jouent, ils dansent, ils chantent. Ils sont musiciens, machinistes, bruiteurs, comédiens, narrateurs. Le conte, c’est eux.
Alors, on oublie qu’on est au théâtre et on se retrouve au cirque. Les saltimbanques devant nous deviennent les artistes d’une oeuvre ébouriffante. Ils nous font trembler et nous font rire, ils nous font rêver à un rythme effréné et nous laissent des étoiles plein les yeux. Préparez-vous mesdames et messieurs, ce soir l’Agence de Voyages Imaginaires vous emmène voir Shakespeare sous un chapiteau.
Le Conte d’Hiver
D’après William Shakespeare
Mise en scène Philippe Car
Assistanat à la mise en scène Laurence Bournet
Interprété par Valérie Bournet, Francisco Cabello, Philippe Car, Nicolas Delorme, Susanna Martini, Lucie Botiveau, Vincent Trouble
Adaptation Philippe Car, Yves Fravega, Valérie Bournet
Musique et direction d’orchestre Vincent Trouble
Création lumière Julo Etiévant
Création son Pedro Theurier
Costumes Christian Burle
Décors et accessoires André Ghiglione et Pierre Baudin (contributions de Sophie Rigaud / Luki Millet – Restauration Jean Marie Bergey et Benjamin Olinet)
Régie lumière et son Jean-Yves Pillone
Régie plateau et régie générale Jean-Marie Bergey
Du 10 novembre au 18 décembre 2016
Théâtre 13 / Seine
30, rue du Chevaleret
75013 Paris