« Coup d’oeil sur le Festival d’Avignon OFF #3 » 

Circé, de et mis en scène par Natalie Beder au Théâtre des 2 Galeries. Chaque jour, les comédiens tirent au sort leur rôle, en hommage à cette pratique courante dans la vie grecque antique. En une heure, ils racontent comment Ulysse libéra ses marins changés en porcs par la sorcière Circé, tandis qu’ils tentaient de rentrer à Ithaque. Une appropriation très moderne des chants X et XI de l’Odyssée, présentée tambour battant par une troupe pleine d’humour. Bien que le spectacle pousse parfois un peu trop vers le comique ultra-contemporain, il ne donne pas dans la vulgarité et témoigne d’une belle volonté de dépoussiérer le mythe. Finalement, on regrette un peu que cela soit si court : à quand une version traitant davantage de chants ?

Une jeune fille et un pendu, de Philippe Gauthier, mise en scène Ronald Garac et Doriane Emerit au Pixel Avignon (salle Bayaf). Deux jeunes clowns se rencontrent dans une forêt ; lui, Marc, aime compter et a une corde autour du cou ; elle, Déborah, danse, venue d’on ne sait où. Partant d’un synopsis prometteur, le spectacle aborde des thèmes graves, mais hélas sans finesse. En effet, le texte se vautre dans un vocabulaire adolescent vulgaire et répétitif, sans intérêt, ponctué de rires faux et déplacés. Tout cela aurait facilement pu être évité pour mieux servir le propos qui, bien qu’intéressant, est noyé dans la modernité feinte de la représentation. Pourquoi faire de la jeune fille une gamine pimbêche, et du garçon un pauvre benêt, alors que tous deux auraient pu être (et n’étaient pas si loin d’être, les interprètes étant au demeurant très investis) des clowns merveilleusement poétiques ? Il est frustrant de constater un tel gâchis de potentiel artistique, d’autant plus que l’idée de départ est belle, et que la scénographie automnale, avec ses feuilles mortes et ses corbeaux qui parlent, est splendide et laissait présager davantage de délicatesse. Comme le diraient eux-mêmes les personnages : « c’est chiant, ces trucs-là, quoi !»

 

L’âme de fond, de et mis en scène par Eric Domange à l’Espace Alya. En réanimation après une tentative de suicide, un homme « perdu dans sa tête » essaye de remonter le fil de son histoire. Présenté depuis plusieurs années dans le milieu carcéral, le spectacle est une forme courte mais riche, très dense, qui aborde avec humanité et finesse la question du suicide. Pas de grande théorie, pas de connaissance martelée sur le public, mais des interrogations pour mieux comprendre cet acte de désespoir. La très belle plume d’Eric Domange tisse entre elles les expressions et les détourne en métaphore pour créer un fil continu, comme un flot de pensées circulant entre plusieurs personnages – plusieurs mondes dans un seul esprit – à mesure que la réanimation progresse. Un magnifique seul en scène qui mêle les influences du clown aux masques de la commedia del arte pour appréhender un sujet difficile et ouvrir la discussion. Il faut découvrir cette écriture délicate et imagée : c’est une chance de voir un tel spectacle présenté au grand public dans le cadre du Festival d’Avignon.