Laure Wolf dans Disparu – Cie La Traversée © Romain Bonnery
Disparu, écrit et mis en scène par Cédric Orain, avec Laure Wolf – Cie La Traversée
Dans une salle d’interrogatoire, une mère raconte son histoire, qui est aussi celle de milliers d’autres familles : un soir d’été, en 1973, son fils est parti et n’est jamais revenu. Comment expliquer les disparitions volontaires ? Comment, pourquoi, une personne choisit-elle de tout quitter, même son identité ? Comment dire la douleur des familles qui cherchent, des décennies durant – et en vain – le membre qui leur manque, et la raison de son départ ? Seule sur une chaise, avec des éclairages très minimalistes, Laure Wolf campe cette figure maternelle blessée, abattue mais incapable de cesser son combat. Sa voix est pleine d’émotion, ses mots, tendres et incisifs, nous transportent dans le souvenir de ce jour où la vie a basculé. Néanmoins, on regrette le complet statisme de la représentation, et l’absolue discrétion de la lumière, très classique et peu présente. Compte tenu du format actuel du festival d’Avignon OFF, ce type de spectacle – de plus en plus omniprésent – souffre immanquablement de son manque d’originalité dans la mise en scène, étant donné la forte « concurrence ». Il n’en reste pas moins une belle performance d’actrice, tout en retenue et en subtilité.
Laure Wolf dans Disparu – Cie La Traversée © Romain Bonnery
La Théorie de l’enchantement, de Pascal Reverte, avec Vincent Reverte et Fabrice Hervé – Cie Le Tour du Cadran
C’est l’histoire de deux amis, Vincent et Fabrice ; l’un est acteur, l’autre a délaissé le métier pour devenir vendeur de cuisines. Ensemble, ils montent une conférence sur leur expérience de vie. Ou un spectacle. Qu’ils jouent. Ou qu’ils répètent seulement. À moins que ce ne soit la réalité de leurs retrouvailles ? À travers cette représentation méta-théâtrale à la dramaturgie inclassable et habile, Pascal Reverte interroge les notions de commerce et de marchandage, qui existent non seulement dans la vente, mais aussi dans le milieu culturel et jusque dans nos relations sociales. Comparer les cuisines, le théâtre et l’amitié, une absurdité ? Pas du tout ! Si le spectacle reste malgré tout assez sage, et aurait pu se permettre d’être plus ambitieux et irrévérencieux, les thématiques qu’il soulève sont tout à fait bienvenues dans ce festival, très directement concerné par les problématiques commerciales du spectacle vivant et leur retentissement sur la vie des compagnies. Avec une drôlerie confinant parfois à l’absurde, et autant d’acidité que de douceur, cette œuvre originale sur fond de Koltès, servi par une scénographie pleine de punch aux nombreux ressorts inattendus, réalise ses ambitions : on adhère, on rit, et on réfléchit. Pourquoi ne pas oser davantage et creuser encore plus profondément le fond du propos ?
Vincent Reverte et Fabrice Hervé dans La Théorie de l’enchantement – Cie Le Tour du Cadran © Marie-Clémence David
Joie, de et avec Anna Bouguereau, mise en scène Jean-Baptiste Tur
Alors qu’elle assiste à son premier enterrement, Elle est pleine d’interrogations sur la vie, la famille, l’amour, la mort… Sur les conventions sociales qui les entourent, surtout. Au fil de ses pensées et de ses souvenirs, elle nous entraîne à la rencontre de notre propre conditionnement intime : la franchise innocente de ses propos, sa parfaite honnêteté non policée et sans embarras nous font sourire avec tendresse, mais nous interrogent, aussi. C’est vrai, en fait, pourquoi met-on les gens morts dans des boîtes ? Et puis pourquoi on ne peut pas coucher avec son cousin ? Avec la simplicité dont elle aborde des sujets souvent tabous, Anne Bouguereau nous saisit, et son récit résonne en nous avec une clarté cristalline. Les sujets sont graves, mais le spectacle est doux, drôle, lumineux, et rallume la plus simple, la plus fondamentale des joies de vivre. Avec sa scénographie mi-joyeuse, mi-mortuaire – des tables recouvertes de nappes blanches et de fleurs multicolores – et cette manière dont l’actrice nous captive et nous parle sans tout à fait briser le mur qui nous sépare, le seule-en-scène est, pour le coup, vraiment riche et original, et ne nous laisse pas une seconde d’ennui. On en sort avec un regard neuf et une énergie légère, comme purgée du poids de nos angoisses existentielles et de nos entraves sociales.
Anna Bouguereau dans Joie © KarimC
Informations pratiques
Festival OFF d’Avignon du 5 au 28 juillet 2019
DISPARU – Cie La Traversée
Écriture et mise en scène Cédric Orain
Avec Laure Wolf
Scénographie Pierre Nouvel
Création lumière Pierre Nouvel
Création sonore Manuel Peskine
Costumes Sophie Hampe
Régie Théo Lavirotte
Durée 1h10
Du 5 au 24 juillet à 13h45 (relâches 11 et 18 juillet)
LA THÉORIE DE L’ENCHANTEMENT – Cie Le Tour du Cadran
Conception, écriture et mise en scène Pascal Reverte
Conception et interprétation Fabrice Hervé et Vincent Reverte
Collaboration artistique Alexandra David et Fanny-May Gilly
Scénographie Jane Joyet
Création lumière Éric Pedini
Création sonore Antoine Sahler
Création vidéo Maël Piriou, Aude Léger et Vincent Reverte
Avec l’aimable participation de Aude Léger et Olivier Broche
Costumes Jane Joyet
Régie Éric Pedini
Durée 1h10
Du 5 au 24 juillet à 20h50 (relâches 11 et 18 juillet)
JOIE
De et avec Anna Bouguereau
Mise en scène Jean-Baptiste Tur
Collaboration artistique Alice Vannier
Création lumière Xavier Duthu
Durée 55 mn
Du 5 au 24 juillet à 16h40 (relâches 11 et 18 juillet)
Adresse
Théâtre du Train Bleu Avignon
40, rue Paul Saïn
84000 Avignon
Informations complémentaires
Théâtre du Train Bleu Avignon
www.theatredutrainbleu.fr
Festival OFF d’Avignon
www.avignon
Disparu – Cie La Traversée
www.latraversee.net
La Théorie de l’enchantement – Cie Le Tour du Cadran
www.letourducadran.net