Juliette Behar et Julien Ratel dans L’Homme de Schrödinger © Philippe Escalier
Après son grand succès au Théâtre de la Huchette et ses multiples récompenses, Comédiens !, comédie musicale pensée et mise en scène par Samuel Sené, pose ses valises au Festival d’Avignon, en compagnie d’un second spectacle, également multi-primé, du même artiste : L’Homme de Schrödinger. Passant d’un théâtre style XXème à la physique quantique, le grand écart thématique entre les deux pièces est à l’image de leur créateur, bachelier à 14 ans et agrégé de mathématiques à 20 ans, qui mène désormais une carrière artistique foisonnante.
Comédiens ! : Lors de leur ultime répétition avant la première, trois comédiens se prennent à leur propre jeu : lorsque de vieux souvenirs refont surface, la réalité se confond avec les ressorts du vaudeville, les tensions cristallisent, et c’est un tout autre spectacle qui s’écrit… Inspiré d’événements réels, le texte d’Éric Chantelauze mêle habilement le fictif « Diable Vauvert » aux péripéties des comédiens en répétition, pour composer une œuvre d’une surprenante limpidité, au rythme énergique et à l’humour très simple mais néanmoins efficace. Porté par trois acteurs-chanteurs au punch inépuisable et à la présence scénique incandescente (mention spéciale à Marion Préïté, qui insuffle au seul personnage féminin une force de caractère détonnante), le spectacle promet un très bon moment d’émotion et de divertissement. Mais, en toute honnêteté, le succès gigantesque qu’a suscité Comédiens ! nous échappe un peu : sans doute se perd-il un peu sur la grande scène du Théâtre de l’Oulle – on sent bien que la scénographie a été étirée au maximum pour occuper l’espace, et le huis clos perd nécessairement en intensité. De plus, pour une comédie musicale, la musique ne nous a pas paru particulièrement marquante, à l’exception de l’air de Desdémone qui est véritablement original et émouvant. Rien de grave, car encore une fois, on passe un très bon moment, mais hélas, comme souvent, les spectacles précédés par leur notoriété souffrent des attentes qu’ils suscitent. À nos yeux, il y manque un petit quelque chose, un éclat, une fulgurance – sûrement un brin de poésie littéraire ou une surprise dans la mise en scène – pour impressionner à hauteur des dithyrambes et susciter « l’effet waouh ». Cependant, il n’en demeure pas moins une valeur sûre de cette édition du Festival.
Marion Préïté, Fabian Richard et Cyril Romoli dans Comédiens ! © Philippe Escalier
L’Homme de Schrödinger : Lui est un éternel indécis, angoissé, mais curieux. Elle brûle la chandelle par les deux bouts avec enthousiasme. Que se passe-t-il entre ces deux personnages que tout semble opposer ? Leur vie se joue en états paradoxaux, entre doutes et hésitations, enfermés comme le célèbre chat de Schrödinger dans un espace de probabilités quantiques. Variation philosophico-poétique autour de la plus célèbre expérience de pensée scientifique, le spectacle nous entraîne dans une aventure drôlatique profondément humaine, à la lumière d’une nouvelle appréhension du monde, où seule l’altérité peut résoudre les dilemmes existentiels intimes. Là encore, Éric Chantelauze et Samuel Sené signent un texte limpide et bien rythmé, dont on regrette parfois le style peu littéraire – mais qui est cette fois-ci compensé par la poésie inhérente au récit, lequel se laisse suivre comme un conte. Ce défaut stylistique se laisse notamment entrevoir dans les parties chantées, la musique restant toujours assez simple, comme pour faire entendre une chanson « à texte »… qui n’en est pas vraiment une. Cependant, l’histoire est très originale et fourmille de trouvailles inattendues du plus bel effet, notamment à travers la formidable démonstration du concept « d’attention quantique » (on n’en dira pas davantage, c’est une surprise !) et la présence de Lazare le Chat, animal peu fréquent sur les scènes de théâtre. La scénographie est agréable, mais les écrans, à part en quelques rares instances, n’apportent pas vraiment de valeur ajoutée au récit – ils l’illustrent seulement – ce qui est un peu dommage, d’autant plus que la création vidéo est vraiment bien réalisée, mais rien de bien gênant car on se laisse très vite porter par la fraîcheur et la légèreté de l’ensemble. On ne peut que souhaiter à ce spectacle un aussi grand succès que celui de Comédiens !.
Juliette Behar et Julien Ratel dans L’Homme de Schrödinger © Philippe Escalier
Informations pratiques
Festival OFF d’Avignon du 5 au 28 juillet 2019
COMÉDIENS !
Livret et paroles des chansons Éric Chantelauze
Conception et mise en scène Samuel Sené
Avec Marion Préïté, Fabian Richard et Cyril Romoli
Chorégraphie Amélie Foubert
Musiques Raphaël Bancou
Costumes Julia Allègre
Décors Isabelle Huchet
Création lumière Laurent Béal
Production Nouvelle Scène
Durée 1h35
Au Théâtre de l’Oulle – La Factory
19, Place Crillon 84000 Avignon
Du 5 au 28 juillet à 17h30 (relâches 9, 16 et 23 juillet)
L’HOMME DE SCHRÖDINGER – Création novembre 2018
Pièce de Éric Chantelauze et Samuel Sené
Mise en scène Samuel Sené
Assistante à la mise en scène Inès Amoura
Avec les comédiens – chanteurs – musiciens Juliette Behar, Julien Ratel, Lazare Lechat
Musique Raphaël Bancou
Chorégraphie Amélie Foubert
Scénographie Isabelle Huchet
Création vidéo Harold Simon
Lumières François Cabanat
Régisseur Dominique Viger, Ugo Perez
Durée 1h15
Au Théâtre des Corps Saints
76, place des Corps Saints 84000 Avignon
Du 5 au 28 juillet à 20h45 (relâches 9, 16 et 23 juillet)
Informations complémentaires
Théâtre de l’Oulle – La Factory
www.theatredeloulle.com
Théâtre des Corps Saints Avignon
theatre-corps-saints-avignon.com/
Festival OFF d’Avignon
www.avignon
Nouvelle Scène Production
nouvellescene-production.com