Nadège Perrier, Hervé Van der Meulen dans Le Corbeau blanc © Cie Du Rêve Éclair
Le Corbeau blanc, de Donald Freed, mise en scène William Mesguich à La Luna : Première adaptation française du roman de Donal Freed, Le Corbeau Blanc relate un entretien fictif entre une psychologue israélienne et le criminel de guerre nazi Adolf Eichmann, fondé sur les archives – les vraies cette fois-ci – du procès Eichmann. Huis clos tendu et fulgurant, la pièce oscille sans cesse entre ironie et violence, chargé de silences de plomb où planent des non-dits que l’on ne comprend que trop bien. Le texte (dont la traduction est signée par Nadège Perrier, qui joue aussi la psychologue) est incisif, puissant, d’une clarté et d’une acuité limpides, presque terrifiantes. Entre les souvenirs de l’horreur, la haine et les interrogations, se dessine un duel psychologique acéré à la recherche du dévoilement de l’autre, une exploration des frontières de l’humanité et de la barbarie. Par sa mise en scène sobre et dense, où l’on perd la notion du temps, William Mesguich laisse toute la place à l’Histoire, au texte et au jeu de tension entre les deux acteurs – qui est d’ailleurs saisissant de finesse et de force. Hervé van der Meulen, particulièrement, est extraordinaire dans toutes les nuances qu’il apporte à Eichmann, entre éclats de rage, tentatives d’auto-victimisation, provocation et ironie. En face, Nadège Perrier campe une psychologue mystérieuse, mais dont on ressent les états mentaux intimes avec beaucoup de subtilité. Une oeuvre qui touche, saisit, ébranle, et rappelle la nécessité de connaître notre Histoire pour, toujours, garder notre discernement et notre humanité.
Nadège Perrier, Hervé Van der Meulen dans Le Corbeau blanc © Cie Du Rêve Éclair
Coupable ? de et avec Jérôme Leroi, mise en scène Marjorie Garcia au Pixel Avignon – salle Bayaf : Devant nous, dans la toute petite boîte noire de la salle Bayaf, un homme, seul, en uniforme orange. Il est soupçonné d’avoir tué son compagnon. Une heure durant, il va nous raconter son histoire, et c’est nous, spectateurs, qui seront ses juges. Menteur ou sincère ? Innocent, ou coupable ? Malgré un concept original et pour le moins attrayant, le spectacle peine à trouver son rythme et à décoller. Ce n’est pourtant pas qu’il manque d’idées : il nous offre une histoire crédible plutôt bien ficelée, et aborde des thèmes tout à fait intéressants, notamment la notion de responsabilité morale et juridique ainsi que ses limites. Mais malheureusement, il reste toujours trop superficiel dans sa manière d’introduire et de traiter les questionnements qui jalonnent le spectacle : il faut oser, creuser, chercher ! Des portes ouvertes, des pistes entrevues, il y en a, mais de chemin, pas trace. L’acteur, seul en scène, s’enferme lui aussi dans un jeu assez scolaire et finalement très répétitif, qui tourne en circuit clos autour de ce simili-interrogatoire solitaire ; et cependant, il parvient à camper un personnage humain et attachant que l’on aimerait vraiment trouver plus convaincant ! C’est dommage, car un tel spectacle peut avoir énormément de potentiel…
Déglutis, ça ira mieux, de et mis en scène par Andréa Bescond et Éric Métayer, avec Isabel Otero et Géraldine Martineau au Théâtre du Balcon : Après le succès des Chatouilles, le duo Bescond-Métayer aborde un nouveau sujet difficile : celui de la fin de vie. Aline, femme d’âge mûr au tempérament adolescent, apprend qu’elle est atteinte d’une maladie dégénérative incurable dont elle va bientôt mourir. Dans ces circonstances, face à la terreur de la mort, sachant que le temps est compté, que faire ? S’accrocher à la vie à chaque seconde, ou y mettre fin avant de souffrir ? Comment utiliser ces derniers instants ? Aline, elle, s’arrange pour retrouver sa fille, Nina, partie faire sa vie à travers le monde. Les retrouvailles de ces deux femmes aux caractères originaux sont explosives : drôles et émouvantes, parfois tristes ou mélancoliques, parfois joyeuses, toujours empreintes d’une énergie vitale immarcescible. Porté par deux actrices au jeu complice, naturel et précis, le spectacle est un voyage douloureux et beau, déjanté, surprenant, où l’on ne cesse d’osciller entre le rire et les larmes. La scénographie, composée de projections sur plusieurs panneaux, est plutôt simple mais donne une illusion de profondeur assez impressionnante, et figure avec un semi-réalisme décalé une myriade de lieux, boîte de nuit, hôpital, arrêt de bus… C’est une délicatesse toute particulière qui émane de cette création d’une efficacité redoutable mais sans prétention, une sorte de vitalité poétique revigorante… On en sort secoué, mais avec une incontrôlable envie de vivre.
Géraldine Martineau, Isabel Otero dans Déglutis, ça ira mieux
Informations pratiques
Festival OFF d’Avignon du 5 au 28 juillet 2019
LE CORBEAU BLANC – Cie Du Rêve Éclair Création 2019 Première à Avignon
Auteur Donald Freed
Première adaptation française du roman Le Corbeau Blanc, Édition Les Cygnes
Traduction Nadège Perrier
Mise en scène William Mesguich
Avec Nadège Perrier, Hervé Van der Meulen (ou alternance)
Création lumière William Mesguich
Coproduction Antisthène, Rêve Eclair, Zd Productions
Durée 1h15
Au Théâtre La Luna
1, rue Séverine Avignon
Du 5 au 28 juillet à 14h05
COUPABLE ? – Cie Mam’s Prod
Auteur Jérôme Leroi
Metteuse en scène Marjorie Garcia
Interprète Jérôme Leroi
Diffusion Marine Reot
Durée 1h
Au Théâtre Pixel – Salle Bayaf
10, rue de la Carreterie Avignon
Du 5 au 28 juillet à 15h30
DÉGLUTIS, ÇA IRA MIEUX
Auteur(e)(s) Andréa Bescond, Éric Métayer
Mise en scène Andréa Bescond, Éric Métayer
Interprète(s) Géraldine Martineau, Isabel Otero
Création lumières Jean-Yves De Saint-Fuscien
Vidéo Charles Carcopino
Son Vincent Lustaud
Décors Olivier Hébert
Durée 1h30
Au Théâtre du Balcon
10, rue de la Carreterie Avignon
38, rue Guillaume Puy Avignon
Du 5 au 28 juillet à 22h30 (relâches 9, 16 et 23 juillet)
Informations complémentaires
Festival OFF d’Avignon
www.avignon
Théâtre La Luna
www.theatre-laluna.fr
Théâtre Pixel & Salle Bayaf
www.pixelavignon.com
Théâtre du Balcon
theatredubalcon.org