« COUPURES » de la Cie La Poursuite du Bleu, une leçon d’impertinence théâtrale

Coupures, mise en scène Paul-Eloi Forget et Samuel Valensi © Jules Despretz

Dès les premières minutes, après les formalités d’usage – éteignez vos téléphones, bienvenue et tutti quanti – la thématique est lancée : « Est-ce que vous avez l’impression que votre voix compte ? ». Ce soir, on va parler démocratie. La comédienne slalome et glisse entre théâtre et politique « C’était dans le programme, ça ? » « Pensez-vous qu’il y a une coupure entre le monde politique et vous ? Un quatrième mur ? » Pas besoin de sortir de Sciences Po pour qu’un·e artiste conclue que la question du théâtre politique est imminemment brûlante : révoltes, manifestations, sabotages, creusement des divisions politique, fermetures des théâtres, subventions évanescentes … En tant qu’artiste, il n’y a pas de non-participation possible au monde. Nos actions, nos œuvres, nos paroles s’inscrivent dans un fonctionnement de société(s). Qu’on le veuille ou non. Qu’on en ait conscience ou non. Elles les ratifient ou les déstabilisent. Comment s’y inscrire ? Comment osciller entre liberté artistique et nécessité d’engagement ? Entre sensibilités inconscientes et soulèvements volontaires ? La question est vaste. Trop vaste pour se déployer ici. Il semble néanmoins que Samuel Valensi et Paul-Eloi Forget aient pris parti – sans mauvais jeu de mots. « C’est un spectacle presque participatif sur l’état de notre presque démocratie ». Et ils le font avec brio.

Grâce à une maîtrise des transitions rythmées et de la mise en mouvement des corps sur un plateau épuré – deux grands panneaux érigés – , nous nous laissons embarquer dans les méandres du triangle de l’inaction. Les citoyen·nes, la sphère politique et le monde économique et des entreprises se renvoient la balle des responsabilités. On ne peut s’empêcher d’associer cette virtuosité technique aux dispositifs scéniques de Michalik – programmé d’ailleurs dans le même théâtre –, la différence entre les écritures portant essentiellement sur un fond social et politique manifestement creusé chez Valensi et Forget et rendu au plateau avec humour et intelligence.

Les acteur·trices défilent, incarnant avec talent une multitude de personnages. Défilé ponctué des coups d’archet de Lison Favard et de phrases chocs qui continuent de résonner après la pièce : « les experts sont des experts, ils n’ont pas besoin d’être élus. », « On est écologistes. C’est notre métier de se battre pour des causes perdues. ». Sobriété et ingéniosité scénique rivalisent pendant tout le spectacle. On aimerait que les moments de suspension prennent davantage de place : l’image magnifique des champs ondulants à l’aide de grandes nattes – en osier ? – pendant la moisson et tirade du beau-frère mis à l’écart des décisions. Le tout s’achève avec une invitation concrète à faire un autre usage des coupures … Chapeau bas.

Coupures, mise en scène Paul-Eloi Forget et Samuel Valensi © Jules Despretz

Informations pratiques

COUPURES – Création 2023 – Cie La Poursuite du Bleu

Écriture et mise en scène
Paul-Eloi Forget et Samuel Valensi

Avec
June Assal, Michel Derville ou Brontis Jodorowsky, Paul-Eloi Forget ou Brice Borg,
Valérie Moinet, Samuel Valensi ou Emmanuel Rehbinder, Lison Favard ou Emelyne Chirol

Composition musicale Lison Favardt
Création sonore Julien Lafosse
Création lumières Angélique Bourcet
Scénographie Julie Mahieu
Création vidéo Florian Moreau
Régie Frédéric Evrard
Avec le précieux regard de Nathalie Juvet
Production Le Théâtre des Béliers Parisiens en accord avec La Poursuite du Bleu

Durée
1h30

Dates
Du 25 août 2023 au 4 janvier 2024 – Théâtre des Béliers Parisiens, Paris
Du mardi au samedi à 19h, le dimanche à 17h

Adresse
Théâtre des Béliers Parisiens
14 bis, rue Sainte Isaure
75018 Paris

Informations complémentaires
Théâtre des Béliers Parisiens
www.theatredesbeliersparisiens.com

Compagnie La Poursuite du Bleu
lapoursuitedubleu.fr