"CROIZADES (Jozef et Zelda)", signé Sandrine Roche, incarne la tentative d’imaginer un monde plus beau, rêvé par deux enfants

Croizades (Jozef et Zelda) de Sandrine Roche aux éditions Théâtrales Jeunesse

Dans cet ouvrage, Sandrine Roche met en scène Jozef et Zelda, deux jeunes enfants âgés de 6 ans, déçus du monde dans lequel ils vivent. Avant d’en faire ses personnages, l’autrice a connu Joseph et Zelda pour de vrai. Elle les a interviewés voilà huit ans, travaillant autour d’une question : que signifie « croire » ? Se nourrissant de toute la matière récoltée pour écrire sa pièce, Sandrine Roche s’appuie également sur d’autres témoignages réels qu’elle recueille au sein des écoles primaires, des collèges, des lycées et même auprès des familles. Toute sa réflexion se nourrit ainsi d’une approche de terrain à laquelle le lecteur peut être particulièrement sensible, car elle rend les propos de Jozef et Zelda d’autant plus authentiques. Introduits par le chœur, les deux enfants l’annoncent : ils veulent repartir de zéro, oubliant le passé, et se raconter de nouvelles histoires. Une manière pour eux d’échapper à la réalité afin de rejoindre une sorte de monde idéal.

Cette manière d’enjoliver, ou d’imaginer, semble être inhérente à la nature enfantine que Sandrine Roche, tout en conservant un point de vue d’adulte, parvient à retranscrire avec une profonde justesse. Son point de départ de l’écriture, c’est le jeu. Non seulement il est au cœur de la relation entre les deux personnages, mais il est avant tout au cœur du langage. Ensemble, Jozef et Zelda créent des fictions impliquant des supers-héros, des dieux, des princesses ou encore Zorro, et s’amusent à détourner les mots, leur sens et leurs sons. Dans cet environnement ludique, ils révèlent peu à peu le caractère infini de leur imaginaire et paradoxalement, une certaine gravité dans leurs propos, malgré l’innocence due à leur très jeune âge. Porte-paroles d’une enfance inconsciemment affectée par tous les événements de la vie d’adulte, Jozef et Zelda cherchent à se détacher de la réalité à laquelle ils sont confrontés constamment, notamment par le biais des médias (la radio, la télévision, etc.), la commentant entre eux pour visiblement mieux s’en éloigner.

Ainsi, de nombreux sujets d’actualité, compris entre l’année 2015 et à nos jours, émergent d’entre les lignes du texte. Découpé en plusieurs parties, il fait progressivement évoluer la discussion entre les enfants vers un éclatement presque absolu du langage et de son sens. Le lecteur est invité à accepter cette nouvelle forme de communication loufoque et à se laisser plonger entièrement dans l’univers fabriqué par Jozef et Zelda, pour lesquels, finalement, « croire, ça fait qu’on vit mieux » ; car, sans la possibilité de croire, nous serions probablement submergés par tout ce qui nous fait défaut, tout ce qui nous touche de près ou de loin, tout ce qui nous entoure de douloureux et silencieusement cruel.

Croizades se révèle en tant que pièce de théâtre intelligente et poétique.
Cet ouvrage constitue la suite d’un diptyque dont le premier opus s’intitule Croizades (jusqu’au trognon) et a été publié un an plus tôt.

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