« DEAR PRUDENCE », Ambiguïté humaine : Christophe Honoré aborde avec délicatesse certains problèmes des adolescents et/ou des adultes

« Je ne suis pas sorti de ma chambre d’adolescent de quatorze ans et demi du fin fond de la Bretagne. C’est un peu terrible, je m’y vois toujours. » c’est sans doute pour cette raison que Christophe Honoré ne prend pas à la légère les jeunes spectateurs. Cette pièce, cependant n’est pas venue de sa propre initiative : elle lui a été commandée par Chloé Dabert, directrice de la Comédie de Reims, en 2020 dans le cadre du projet « Lycéens (lycéennes) sur les chemins du théâtre ». S’adressant à Honoré, elle ne lui a donné qu’une seule contrainte : ne pas représenter les jeunes, mais parler depuis le point de vue d’adultes. Un pas de côté extrêmement intéressant.
Trois personnages :
Le père
Le professeur
La voix de Jean.
La scène se passe dans un lycée, une salle de cours, les élèves viennent de sortir.
Un professeur à son bureau. Il range ses dernières affaires. On frappe à la porte, on entre. Un homme d’une quarantaine d’années. Il jette un regard surpris sur la classe. Il n’est jamais venu ici.

La pièce se joue essentiellement entre ces deux adultes, deux personnes responsables de l’éducation du jeune Jean qu’on ne verra jamais et qui, pourtant, est le centre de l’affaire.
Tout d’abord, le professeur prend les choses de haut : il a à faire, il faut demander un rendez-vous par l’intermédiaire de la CPE, il ne peut pas… le père de Jean ne l’entend pas de cette oreille, il n’entend pas du tout ! il a quelque chose à dire et il n’a pas l’intention de se laisser éconduire. Aucun protocole, donc. Sans être agressif, ce père-là veut des réponses et aucune parole dilatoire ne le fera renoncer à son projet.
Il évoque la « carrière » scolaire de son fils, le fait que, bien qu’ayant obtenu son bac, il ait demandé à redoubler sa terminale – sans doute pour avoir un meilleur livret scolaire à présenter pour entrer dans une prépa prestigieuse – et le fait aussi qu’il n’ait rien fait, ait pratiqué l’absentéisme au point qu’on ait dû le mettre à la porte. C’est là, dans cette année ratée que se noue le problème. Poussé par le père, le professeur finit par reconnaître sa relation avec le garçon, l’amour exalté que celui-ci lui portait et son refus à lui d’assumer aux yeux de tous. Dans sa position, c’est impossible.
Et puis, un autre glissement se produit : le père n’est peut-être pas celui qu’il prétend être, mais un rival venu régler des comptes après l’éventuel suicide du jeune homme. La pièce ne répond pas à la question, aux questions. Elle les pose et c’est déjà énorme, avec un vœu implicite : soyons sincères dans nos paroles et assumons nos sentiments.

Une très belle pièce, subtile et empathique, qui donne du grain à moudre aux jeunes et à leur entourage.

Ce texte, créé en lycées à Nantes en décembre 2020 a été présentée le 24 septembre à la Comédie de Reims dans une mise en scène de Chloé Dabert.

Informations pratiques

Auteur(s)
Christophe Honoré

Prix
9 euros

Éditions Les Solitaires Intempestifs
www.solitairesintempestifs.com