Death Breath Orchestra, mise en scène Alice Laloy © Jean-Louis Fernandez
Présenté dans le cadre du festival MARTO il y a quelques semaines, Death Breath Orchestra étonne par son mystère et sa poésie à la fois inquiétante et enfantine. Alice Laloy y reprend la jointure entre spectacle musical et marionnettique dont elle-même et d’autres grosses compagnies, comme Plexus Polaire ou Les Anges au Plafond, ont déjà pu prouver l’efficacité. Seulement la place des instrumentistes y est radicalement différente : ils n’accompagnent plus les manipulateurs, ils le deviennent.
C’est ainsi qu’on découvre un quatuor d’instrumentistes à vent (le trompettiste Jérôme Fouquet, le tromboniste Hanno Baumfelder, l’euphoniumiste Tom Caudelle ainsi que la tubiste Fanny Meteier) s’abriter d’une tempête à l’intérieur d’un hangar garni de bâches et de tuyaux. Cet espace vide, négatif, qui évoque la mort et le passé, agit comme une interface avec le monde extérieur, hors-champ qui apparaît parfois sur scène au moyen des tuyaux qui en transmettent les bruits. S’engage alors un dialogue entre les sons de cet au-delà, d’autant plus étrange que l’intérieur l’est déjà, et ceux que lui répondent les instruments.
Plus largement, c’est un dialogue entre la musique, le bruit et l’onomatopée – le premier langage – qu’Alice Laloy engage ici. Cette recherche pousse à une désacralisation de l’instrument, manipulé au-delà des canons orthodoxes, ainsi qu’à une comparaison parallèle entre l’objet-instrument et l’objet marionnettique. Ce n’est pas un hasard si les instruments choisis sont exclusivement à vent : tout comme dans la marionnette, le joueur y est le corps, mais aussi le poumon de son instrument. Les marionnettes de Death Breath Orchestra sont des doublures des acteurs qui passent le plus clair de leur temps immobiles, et qui n’interagissent pas entre elles. Elles ressemblent plus à des effigies qu’à des pantins. Bien qu’installées au début, elles sont introduites une par une, comme des variations épisodiques sur un même thème – la corporalité du souffle – et l’action se concentre sur le rapport du groupe avec chacune d’elles. En découle une association poétique entre l’instrument et la marionnette, qui culmine en leur fusion dans un même corps. L’une devient une métaphore de l’autre, et réciproquement.
Mais au-delà de cette interrogation esthétique, Death Breath Orchestra utilise le motif du souffle pour symboliser la passation. Les personnages et leurs doubles fantomatiques sont constamment menacés de mort, et confinés dans un environnement qui semble lui-même à l’agonie. La menace de contagion par une peste extérieure et inconnue revient constamment dans le récit, comme un retour régulier à la réalité.
La préoccupation principale du spectacle reste pourtant la pertinence de la préservation face à l’immuabilité du changement. Les musiciens ne peuvent rester dans un monde dont ils ne font littéralement plus partie, car la qualité de l’air les oblige à s’en protéger. Comme un ultime cadeau, le temps de la représentation leur donne celui de la transmission.
Death Breath Orchestra, mise en scène Alice Laloy © Jean-Louis Fernandez
Informations pratiques
DEATH BREATH ORCHESTRA Création 2021 – Cie S’appelle Reviens
Festival MARTO ! 22ème édition – MARIONNETTES & OBJETS
Mise en scène et écriture
Alice Laloy
Avec
Fanny Meteier (tuba), Tom Caudelle (euphonium), Hanno Baumfelder (trombone), Jérôme Fouquet (trompette), Augustin Condat et Abel Huré en alternance (cor)
Composition musicale Éric Recordier
Scénographie Jane Joyet, Lyse Bellon
Constructions marionnettes Carole Allemand, Julia Diehl, Laurent Huet,
Einat Landais, Alexandra Leseur-Lecoq
Dates
22 mars 2022 – Festival MARTO, Théâtre Jean Arp à Clamart
Durée
1h10
Adresse
Théâtre Jean Arp
22, rue Paul Vaillant-Couturier
92140 Clamart
Informations complémentaires
Théâtre Jean Arp
www.theatrejeanarp.com
Cie S’appelle Reviens
www.sappellereviens.com
Festival MARTO !
http://www.festivalmarto.com