Un article de Marianne Griffon
« Une page blanche… »
Que peut-il demeurer après 93 années de vie ?
A travers le témoignage recueilli auprès de sa grand-mère, c’est la question que vient soulever le nouveau spectacle d’Élise Chatauret.
Nous entrons dans la salle face à une grande bâche blanche au sol, derrière laquelle se trouve une cuisine, de laquelle nous sépare une baie vitrée. Deux femmes sont en train de manger.
Le cadre de la réalité – Élise interviewant sa grand-mère – est posé.
Les deux actrices incarnant ces personnages discutent de la façon de préparer les carottes, de la solitude, de la vie. De la vie de cette femme de 93 ans qui en a vécu des choses !
Presque un siècle, le 21ème siècle, avec ses guerres, ses changements, ses avancées qui n’ont jamais été si rapides depuis le début de l’humanité. Et tout cela avec humour et sincérité.
Mais que reste-t-il en mémoire après un siècle, presque, de vie ?
Des éclats, qui mis bout à bout réécrivent une histoire vécue, sensible.
Des bribes de dialogues, des bribes de souvenirs, des bribes d’images, se croisent et racontent petit à petit ce qu’a pu vivre cette femme et peut-être aussi beaucoup d’autres femmes de sa génération.
Ce qui demeure se construit devant nous comme si les comédiennes allaient chercher les souvenirs dans la boîte-mémoire pour nous les donner à voir et à entendre.
Elles sont tour à tour la petite-fille, la grand-mère, la voix qui porte la parole.
Les souvenirs sont multiples et empruntent différents médiums pour se montrer.
Ils se font images, que les comédiennes viennent disposer sur la grande bâche blanche ; sons avec le musicien qui presse sa guitare jusqu’à ce que les dernières gouttes du temps en sortent ; enregistrements diffusés de l’interview de cette femme de 93 ans.
L’image de la boîte-mémoire se constitue peu à peu tel un palimpseste laissant la place au spectateur d’imaginer ce qu’a pu être cette vie.
Une mise en scène juste, sensible et drôle, portant la parole d’une femme.
De sa pudeur et de ses doutes, aussi, que sa vie puisse devenir spectacle.
Et pourtant cela est un pari réussi, car ses anecdotes semblent être devenues matière pour le spectacle et sa voix, la voix de tant d’autres.
Et la grande bâche-page blanche revient, comme si tout avait disparu et que tout pouvait alors recommencer.
Ce qui demeure
Écriture et mise en scène : Elise Chatauret Avec : Solenne Keravis, Justine Bachelet et Marc Sens Composition sonore/ guitares : Marc Sens Dramaturgie et collaboration artistique : Thomas Pondevie Scénographie et costumes : Charles Chauvet Lumières : Marie-Hélène Pinon Régie générale : Thomas Durand
– du 31 janvier au 5 février au Colombier
– du 28 février au 2 mars à La Loge à Paris – du 30 mars au 1er avril à Anis Gras à Arcueil – le 27 avril 2017 au Pôle Culturel, à Alfortville
– le 27 mai 2017 au Théâtre 95, à Cergy Pontoise
Théâtre Le Colombier
20 rue Marie-anne Le Colombier
93170 Bagnolet