« DES HOMMES ENDORMIS » de Martin Crimp, Perplexité

DES HOMMES ENDORMIS de Martin Crimp. Traduit de l’anglais par Alice Zeniter chez L’Arche éditeur.

Deux couples, l’un de cinquantenaires, l’autre nettement plus jeune (Dans les vingt / trente ans). C’est la nuit, tard, chez Paul et Julia, les ainés. Bavardage, puis arrivée des plus jeunes à une heure improbable et pour des raisons obscures…

-Écoute, pour quelle raison aurions-nous eu un enfant ? c’est la phrase d’ouverture prononcée par Julia qui déroule les bonnes raisons au renoncement, tout en évoquant ce qu’aurait pu changer la présence de cet enfant éventuel. Mais on n’est pas dans le registre de la nostalgie et l’on glisse très vite sur un autre sujet : la violence, éventuelle elle aussi, qu’aurait pu – qu’a pu – exercer Paul sur Julia. Rien n’est moins sûr, cependant. Dès le début, on est donc dans le flou, dans l’incertain, dans le supposé, dans les non-dits, dans les mensonges, qui sait ?

L’arrivée des plus jeunes ne va faire qu’obscurcir encore les choses. Ont-ils vraiment été invités ? et, si c’est le cas, dans quel but les a-t-on fait venir au milieu de la nuit, alors que le réfrigérateur est vide et qu’on n’a qu’un reste de vodka à leur proposer ?

Errance de conversations interminables, coq-à-l’âne, malentendus, sous-entendus et/ou accusations plus ou moins malveillants, excuses, menaces… Le bavardage est si incohérent qu’on se demande vraiment ce qu’on est en train de lire.
Et si ces gens n’existaient tout simplement pas ?

Après tout, la pièce s’appelle Des Hommes Endormis. S’agirait-il d’un rêve ? un de ces cauchemars pas vraiment tragiques, juste malaisants, décalqués des inquiétudes diurnes ?
À ces questions, il n’est jamais répondu. Et les thématiques virevoltent :
L’emploi « je t’ai recrutée, parmi tant d’autres, parce que tu étais la meilleure » mais on ne sait pas vraiment de quel travail il s’agit. « Vous voudriez vous battre, Joséphine ? » question qui vient inopinément au milieu d’une conversation ; le rapport à l’alcool : celui qui ne boit pas d’habitude se sert de la vodka verre sur verre; et puis les considérations absurdes « Joséphine vaut trois millions d’euros », ou bien : « vous aviez le coucher de soleil », ou encore « Tu abandonnerais ton bébé, Joséphine ? » mais Joséphine n’a pas de bébé, pas plus que Julia. Et, voilà qu’on apprend que Joséphine attend un bébé, et que cela va freiner le « département » et qu’elle aurait dû le dire, mais que, malgré tout…

La fin est aussi étrange que le reste, aussi peu vraisemblable, aussi cauchemardesque. Les deux hommes pourraient se battre mais finalement, ils dansent… mais après tout, ce sont des hommes endormis !

Ce genre de texte laisse vraiment perplexe, même après plusieurs lectures et il est difficile d’envisager comment il pourrait être mis en scène.

Informations pratiques

Auteur(s)
Martin Crimp

Prix
13 euros

L’Arche Éditeur
www.arche-editeur.com