"DEUX FLICS" de Rémi De Vos, Pas toujours drôle, la vie de gendarme !

TROIS COURTES PIÈCES de Rémi De Vos aux éditions Actes Sud-Papiers dans lesquelles les flics vont par deux, comme il se doit, et portent à la scène, non seulement les problèmes de la police, mais aussi ceux des humains que nous sommes tous.

EN VOITURE. Hervé la quarantaine, Daniel, la quarantaine. La voiture stationne dans une forêt. Hervé semble « philosopher » sur la condition humaine, rien de moins : une grande part de notre malheur vient de là, je pense. Nous sommes devenus urbains en peu de temps. C’est la première phrase prononcée, et ceux qui prétendent que dans la police, on recrute plutôt des imbéciles en seront pour leurs frais… Daniel essaie de ramener son coéquipier à la raison qu’est-ce qu’on fout là… mais au fond, Hervé n’en a pas grand-chose à faire, de la police, de leur mission ; ce qui l’intéresse, c’est cette perte du lien primordial qui unissait les humains aux autres vivants, cette dérive qui a conduit les hommes à la barbarie, au corps-à-corps violent et mortifère, à la perte des vrais repères… Daniel mangerait bien un hamburger, mais Hervé n’en finit pas avec ses questions existentielles… et tout y passe : la nature bafouée, les bouseux méprisés, la couleur des billes et la taille des calots de la récré, la civilisation et la barbarie, la perte du sentiment religieux. Hervé en a, des questions dans sa besace de flic déprimé…

DEUX FLICS AU VESTIAIRE. Dominique, la cinquantaine, Gilles, la cinquantaine. Plus noire encore, cette pièce qui se déroule dans l’exigu d’un vestiaire et avec pour gestuelle le changement de costume quotidien, commence autour du dernier match de foot, passion pour l’un, indifférence polie pour l’autre. Mais le sujet, c’est le couple. Dominique s’engueule avec sa femme, il la soupçonne d’avoir une liaison, ou plutôt, il en est sûr. En plus, l’amant présumé serait noir. Tout se mélange dans sa tête et ses actes deviennent instinctifs et irréfléchis. On comprend qu’ils ont eu un accrochage avec des manifestants, des émeutiers, peut-être, à moins qu’il s’agisse d’un simple contrôle d’identité et que Dominique s’est acharné sur l’un d’eux, un noir. C’est pas parce qu’il était noir, évidemment, pourquoi, alors, puisqu’il n’avait pas menacé le policier ? mais le plus grave, c’est qu’il a envie de tuer sa femme, sa femme qui le trompe (il en est sûr) avec un noir, justement. C’est qu’il n’est plus capable d’un raisonnement clair, ni dans son boulot de maintien de l’ordre, ni dans sa relation conjugale. Son collègue et ami a beau lui conseiller un bouquet de fleurs et des gestes tendres, il n’en peut plus. La solution, bien sûr, c’est la séparation. Le mot est assez ambigu pour que le collègue vous laisse tranquille avec ses questions et ses bouquets de fleurs et finisse par dire : tu as pris la bonne décision Dominique.

DEUX FLICS À LA PLAGE.. Jean, la cinquantaine et Niels, la trentaine. L’un regarde la mer, l’autre regarde les dunes. Jean, l’aîné, aime contempler les vagues et le soleil qui se lève, en citant parfois des vers de Baudelaire. Le jeune Niels et chargé de guetter ce qui pourrait bien bouger dans les dunes, trahir une présence, un trafic. Cela justifierait leur présence à l’aube sur cette plage. Mais Jean, décourage toute tentative d’action. Surtout ne pas bouger, c’est inutile. Les trafiquants, au fond, on n’en finit jamais vraiment avec eux, non, pas la peine. Ce qui est important, finalement, c’est la mer. Être flic à l’aube sur une plage et se dire que c’est si vaste qu’on pourrait bien avoir envie d’y entrer, dans la mer, et de ne plus revenir… grave déprime chez les flics !

C’est que la vie n’est pas rose pour un policier. La vie en couple lui est pour ainsi dire interdite, à en croire ces six-là. La beauté du monde leur échappe la plupart du temps et le temps, ils le passent à vouloir vainement recoudre les haillons de la société avec des méthodes ineptes. Mélancolique, voire tragique, la vie. Celle des policiers, celle des humains ! la nôtre, en somme.

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