« DIGITAL NATIVES », Une vraie amitié suivi de « LES RÈGLES DU JEU », Guerre et paix de Yann Verburgh

Digital Natives de Yann Verburgh aux éditions Solitaires Intempestifs Jeunesse

Le décor est planté succinctement mais efficacement. Deux adolescentes, l’une d’abord dominante et l’autre dominée mènent un dialogue incisif aux répliques courtes contrebalancées par des plus longues. L’alliance est d’abord forcée.

Le ton adolescent de l’époque est donné : Lyne jure sur ses baskets. Celle qui a de l’ascendant au départ parle d’une fugue dont le mobile n’est pas tout de suite exposé. Il s’agit de la quête d’un père abandonnique rayé par la mère avec une photo qui a échappé de l’effacement systématique. La mère est détestée par sa fille parce qu’elle se conforte dans l’illusion d’une vie heureuse via les réseaux, le post de photos fausses. Il est question de « fantôme numérique » pour reprendre l’expression de l’auteur.

La façon dont la mère expose sa fille sur les réseaux depuis qu’elle est bébé fait penser au roman de Delphine de Vigan « Les enfants sont rois » aux éditions Gallimard. Les répliques deviennent plus longues au fil de la relation qui se tisse entre les deux adolescentes dont les échanges sont plus profonds. Ce qui est supprimé sur les réseaux est écrit en capitales. Lyne offre à son amie en colère contre sa mère, un autre regard, une autre voix.

Les jours ne sont plus indiqués, seule l’heure subsiste. Si Sofia radie à son tour sa mère qui a radié son père parti, elle idéalise cet absent. Nous sommes dans le tout ou rien de l’adolescence.
Lyne nuance avec une habile déclinaison de pères hypothétiques mais plus réels.

Avec la voix off de l’homme, nous entrons dans l’univers d’Andersen et de sa petite fille aux allumettes.

Retrouver son père en bord de mer, c’est comme retrouver un grain de sable sur une plage à l’image d’une aiguille dans une botte de foin.

La première visite du père réel en prison nous éloigne du monde rêvé pendant la parenthèse de la fugue et rapproche Sofia du monde socialisé.

Les règles du jeu de Yann Verburgh aux éditions Solitaires Intempestifs Jeunesse

La pièce commence par un échange entre un personnage féminin déguisé en homme, Nama/ Aman et un personnage masculin Oldo. Les voix off se font plus nombreuses que précédemment et nous retiendrons « Les voix qui se sont tues » et celle de la lumière avec un très joli passage. Un leitmotiv s’introduit à travers le laçage des lacets d’Oldo qui constituent un fil rouge en arrière- plan.

Le dialogue débute dans une sorte de « Fais pas ci, fais pas ça » chanson de Jacques Dutronc mais dans un contexte sombre.
La scène du check-point oppose fiction et réalité. Les personnages jouent la réalité dont ils ne souhaiteraient pas l’existence, pour la mettre à distance, dans une mise en abîme du théâtre lui-même.

Après la scène de « Celui qui n’est pas le père », « Les règles du jeu » mettent en scène un ballon constitué d’un amas de papier presqu’à l’image du match de foot sans ballon de football du film « Timbuktu », drame politique d’Abderrahmane Sissako.

« La nuit noire » exprime le besoin de père pour grandir.

« Les morceaux du temps » montre que quand tout est détruit, tout est permis au rêve. Nos deux héros forment un couple reconstructeur d’une ville idéale. Ils refont le monde avant le triste retour à la réalité qui démolit les rêves.

« L’annonce » de la mère à Nama de l’exil de sa fille, sans la mère épuisée, poursuit l’épopée.

La scène des « 5000 jours sans toi » du fait du long exil de Nama apporte un très beau dialogue entre Nama et Oldo. Un « jeu de table des lois » s’instaure avec le « tu » auquel s’adjoint un verbe au futur adressé à Nama par Oldo et le motif de «la première fois » décliné par Nama au début de ses répliques.

Dernière scène, « L’éclipse » expose un Oldo qui fait ses lacets mais qui s’est durci avec son enrôlement dans l’armée durant l’exil de Nama. D’alliés, ils deviennent ennemis du fait de leur évolution contrastée, la perte de rêve d’Aldo et la réalisation de ses rêves de Nama.

Resteront-ils ennemis de ce fait ou redeviendront-ils alliés ?

Découvrez le texte de Yann Verburgh à travers une expérience ludique et théâtrale à vivre seul·e, en famille ou entre ami·e·s. :
LES RÈGLES DU JEU « KILLT – Ki Lira Le Texte » Une incitation collective à la lecture à voix haute création 2020 mise en scène par Malte Martin et conçu par Olivier Letellier, directeur des Tréteaux de France
Dans le cadre des NUITS DE LA LECTURE, rendez-vous à ne pas manquer à la MPAA/Bréguet :
Jeudi 19 et vendredi 20 janvier à 19h30 >>>> Informations et réservations ici
Samedi 21 janvier à 19h30, 20h30, 21h30, 22h30 et 23h30 >>>> Informations et réservations ici

KILLT 2 © Christophe Raynaud-De-Lage
KILLT 1 © Christophe Raynaud-De-Lage

Angèle Canu dans LES RÈGLES DU JEU « KILLT – Ki Lira Le Texte » , mise en scène Malte Martin
© Christophe Raynaud De Lage

Informations pratiques

Auteur(s)
Yann Verburgh

Prix
13 euros

Éditions Les Solitaires Intempestifs
www.solitairesintempestifs.com