« La disparition d’Everett Ruess » sur une idée d’Emmanuel Tellier mise en scène 49 Swimming Pools au CENTQUATRE.

Un article de Richard Magaldi-Trichet.

 

A la recherche du garçon perdu

 

A l’heure où l’on reparle partout dans le monde de dresser des murs et refermer les postes frontières, voici un spectacle à contre-courant qui nous promène dans de nouveaux espaces à l’infini. Inspiré d’un fait divers des années 1930, la disparition d’un jeune homme dans les vastes étendues sauvages du Grand Ouest américain entre Utah et Nevada, et l’interminable quête et attente de ses parents, ce récit dramatique nous plonge dans un univers onirique où les frontières de notre imagination s’estompent peu à peu.

Dans un mélange des genres habilement orchestré, Emmanuel Tellier et son groupe 49 Swimming Pools nous racontent donc cette histoire à la fois tragique et néanmoins merveilleuse. Ils ont su porter l’attente et la recherche des parents (admirables acteurs anglophones Jayne Morley et Alan Fairbairn) au-delà du pathos, par une poésie purgatoire et rédemptrice. Les textes joués se mêlent aux paroles chantées avec la voix d’Emmanuel Tellier, toute en feutre et velours, habitée par le destin du jeune homme. Les images défilent sur les écrans transparents qui révèlent étrangement les musiciens. Et, ajoutant au dépaysement, la langue anglaise originale est conservée, avec des surtitres.

Quelle bonne décision, enfin, de mélanger les langues pour mélanger les territoires qui s’ouvrent à nous. La scénographie à la fois simple et astucieuse nous installe complètement dans l’univers de ce récit extraordinaire. La classique machine à écrire Remington des Kerouac et autres Steinbeck, des tas de lettres qui recouvrent le sol, une aquarelle isolée sur un côté…Nous rejoignons le père et la mère d’Everett Ruess dans leur recherche éplorée et fantastique. Les vents des plaines sauvages façonnent les canyons déserts, l’amour de leur fils pour ces étendues leur fait oublier leur chagrin. Comment faire vivre un enfant disparu mais toujours présent dans leur chair ? La silhouette de la mère partie à sa recherche, avec son chapeau désuet et sa valise usée, telle une Blanche Dubois tout droit descendue de son tramway nommé désespoir, côtoie les ombres spectrales des indiens Navajos qui rôdent et règnent en maîtres silencieux sur le grand Wild. Comme elle nous voilà perdus entre rêve et réalité, les images se succèdent et la musique nous trouble. Sa danse finale est un tourbillon au bord de la folie.

Voilà donc un spectacle bien léché, bien mené, qui a choisi de poser les bonnes questions et d’ouvrir tous les horizons, prêt à partir « on the road » avec le CENTQUATRE. Bon et merveilleux voyage !


La disparition d’Everett Ruess – une histoire américaine

 sur une idée d’Emmanuel Tellier mise en scène 49 Swimming Pools 

Avec : Jane Morley, Alan Fairbairn, Gaël Riteau 

Bande originale et musique live : 49 Swimming Pools (Fabien Tessier, Samuel Léger, Etienne Dutin, Emmanuel Tellier) 

Création lumières et projections vidéo:Franck Rondepierre 

Ingénieur du son : Robin Dallier 

au CENTQUATRE jusqu’au 18 février et en tournée avec Le CENTQUATRE ON THE ROAD 

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