« DOM JUAN » : L’arrogance à l’épreuve de la simplicité

Dom Juan, mise en scène Emmanuel Daumas © Christophe Raynaud de Lage – coll. Comédie-Française

On ne présente plus « Dom Juan », l’arrogant séducteur qui fait fi des conventions et de la morale religieuse, au grand dam de son fidèle valet Sganarelle. C’est sûrement l’une des pièces les plus connues et les plus jouées de Molière. Le défi est donc grand pour Emmanuel Daumas et la troupe de la Comédie-Française : comment renouveler le mythe, où trouver le neuf dans un texte connu de tous ?

Le metteur en scène fait alors le pari d’ « imaginer Dom Juan avec presque rien ». C’est ce qui frappe au premier coup d’œil tandis que le public impatient s’installe : une scène quasi nue, un ring de boxe (une double scène donc) encadré de miroirs et d’accessoires. Cette simplicité dans la scénographie offre un champ des possibles infini : l’espace permet au metteur en scène d’imaginer mille lieux, qui, quand ils se mettent à exister dans le regard des personnages, deviennent une évidence pour le public. Cette imagination libérée crée un espace de connivence entre les comédiens et les spectateurs. Elle peut tout de même être un frein pour ceux qui seraient moins familiers avec la pièce et se retrouveraient alors perdus dans ces lieux invisibles.

La scénographie offre également une dynamique particulière, tantôt rythmée par les déambulations des personnages, tantôt plus calme, voire immobile. C’est un espace parfait pour la réflexion et les « disputes », comme se plaît à le dire Sganarelle. L’avantage dont joue aussi à loisir Emmanuel Daumas, c’est la possibilité de tout montrer. Sur scène, on ne peut pas se cacher, comédiens comme personnages : tout se fait à vu. Les changements de costumes sont assumés et se font face aux miroirs. Le plateau, c’est donc aussi les loges, des loges silencieuses où les acteurs attendent patiemment leur tour, assistant au spectacle à travers les miroirs.

Ces choix de mise en scène répondent à cette volonté de simplicité du metteur en scène, simplicité qui se reflète aussi dans la direction d’acteurs : le jeu est très naturel, notamment celui du duo Sganarelle / Dom Juan. L’alchimie entre les comédiens fonctionne à la perfection, à la fois lorsqu’ils sont ensemble ou seuls, mais aussi lorsqu’ils sont avec les autres personnages.

Le reste des comédiens fait preuve d’une remarquable capacité de métamorphose, puisqu’ils se partagent à trois l’intégralité des personnages qui croisent la route de Dom Juan et Sganarelle. La troupe sait jouer du tempo comique tout en usant de corde sensible. Parfois pourtant, un déséquilibre peut se faire sentir, comme si les comédiens ne jouaient plus sur le même registre ; par moments, le volume de la voix est lui aussi inégal, tout comme la fin par rapport à l’ensemble.

Mais le spectacle n’est pas gâché par ces défauts, il reste au contraire très sympathique, drôle, touchant, porté par le comédien Laurent Laffite, magnifique dans le rôle d’un Dom Juan au sommet de son sarcasme et de sa séduction arrogante. Un Dom Juan qui fait rire les spectateurs involontairement complices.

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Dom Juan, mise en scène Emmanuel Daumas © Christophe Raynaud de Lage – coll. Comédie-Française

Informations pratiques

DOM JUAN – Spectacle créé le 29 janvier 2022 au Théâtre du Vieux-Colombier

Auteur(s)
Molière

Mise en scène
Emmanuel Daumas

Avec
la troupe de la Comédie-Française : Laurent Laffite, Stéphane Varupenne,
Jennifer Decker, Alexandre Pavloff, Adrien Simion

Scénographie et Costumes Radha Valli
Lumières Bruno Marsol
Son Dominique Bataille
Maquillage et perruques Cécile Kretschmar
Collaboration artistique Vincent Deslandres

Dates
Du 17 au 27 mai 2023 au Théâtre des Célestins, Lyon

Durée
2h15

Adresse
Théâtre des Célestins
4, rue Charles Dullin
69002 Lyon

Informations complémentaires
Théâtre des Célestins
www.theatredescelestins.com


Comédie-Française
www.comedie-francaise.fr