« La Double Inconstance » de Marivaux, mise en scène René Loyon, Théâtre de l’Epée de Bois

Article de Julie Lossec

L’amour piégé dans un étau de velours

Dès son entrée, Silvia, pleine de fougue, donne le rythme. Jetant les coussins qui virevoltent à travers la pièce, assommant Trivelin au passage, la jeune villageoise lui assure qu’elle ne cèdera pas au caprice du Prince qui l’a enlevée pour obtenir son amour. Elle veut revoir Arlequin. Piégés entre deux hauts murs capitonnés qui donnent l’impression de se resserrer progressivement, les personnages de La Double Inconstance vont voir leur détermination se déliter tandis que se referme sur eux le complot ourdi par le Prince et ses domestiques. Éblouis par les richesses de la cour et séduits chacun par Flaminia et le Prince, ils vont oublier leur fidélité mutuelle.

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© Lot

La pièce de Marivaux, mise en scène par René Loyon, se déroule dans un boudoir balayé par des jeux de lumière. La scénographie très esthétique crée une atmosphère feutrée, propice aux confidences, dans laquelle les marivaudages s’intègrent parfaitement. Vêtus de noir et blanc, les comédiens évoluent sur un fond de velours rouge. L’harmonie des trois couleurs, les matières, renvoient à la séduction, au pouvoir dont use la cour pour détourner Silvia et Arlequin de leurs valeurs. L’opposition des classes sociales, les caractères des personnages transparaissent dans les différences de costumes. Silvia porte une robe Vichy et des espadrilles compensées faisant ressortir son naturel, sa fraîcheur et cette pureté qui lui donne aux yeux du Prince tant d’attrait. Arlequin revêt une salopette noire avec un tee-shirt et des baskets blanches ; une tenue à l’image de sa simplicité d’esprit. Le Prince et ses serviteurs manipulateurs apparaissent sophistiqués, tout en noir, ce qui accentue leur aspect inquiétant et retord.

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© Lot

En dépit d’un espace de jeu assez réduit, les comédiens sont très mobiles, jaillissant ou disparaissant des deux côtés du plateau. Ils s’allongent, s’assoient, s’embrassent sur la banquette qui longe les deux murs. Ainsi les scènes s’enchaînent avec un rythme qui ne faiblit jamais. Natacha Steck incarne Silvia avec une fraîcheur et une sincérité qui, d’entrée, nous saisissent. Hugo Seksig est un Arlequin plein de tendresse à son égard, rustre dans son intonation, sa gestuelle, sa posture. Le Prince et ses domestiques, en fins stratèges, glissent dans le décor de velours avec élégance. L’ensemble des comédiens concoure à l’installation d’une atmosphère dans laquelle le piège de La Double Inconstance trouve son sens.

 

 

La Double Inconstance

De Marivaux

Mise en scène René Loyon

Avec Cléo Sénia, Jacques Brücher, François Cognard, Marie Delmarès, Augustin Passard, Hugo Seksig, Natacha Steck

Dramaturgie Laurence Campet

Décor Nicolas Sire

Costumes Nathalie Martella

Lumières Laurent Castaingt

Régie générale Jennifer Montesantos

 

Du 30 novembre au 24 décembre 2016

 

Théâtre de l’Epée de Bois

Route du Champ de Manœuvre

75012 Paris

http://www.epeedebois.com/