Adapté d’un livre photographique de Paz Errazuriz et Diamela Eltit, El infarto del alma, El Otro est une fiction-reportage sur l’amour tel qu’il peut exister dans les asiles psychiatriques. En tournée depuis 2012, le spectacle fait escale à l’Espace Pierre Cardin, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris.
Sur un plateau en désordre, vaste salle commune d’un asile psychiatrique, se croisent et se retrouvent sept patients, sept « aliénés » aux manies diverses. Il y a l’homme géant qui crie de terreur en attendant qu’un ange l’emporte, celui qui fend l’air pour écrire en enjambant des obstacles imaginaires ; il y a la vieille femme qui tricote, le nain qui rit en traînant son seau…
Entre eux, il y a des jeux, des querelles parfois, mais surtout beaucoup d’amour, un amour qui se passe de mots. Là où le verbe est absent, le corps occupe une place centrale, inventant un nouveau langage par lequel ces marginaux communiquent à travers leurs bulles d’angoisses et d’obsessions. Dans l’enfermement des exclus de la société se révèle alors une profonde humanité, une tendresse qui s’exprime à sa façon, à la fois maladroite et touchante, simple malgré l’insoutenable violence de la terreur et du vide auquel tous doivent faire face. Ici, « l’Autre », c’est cette ancre, cet amour nécessaire pour supporter la détresse. C’est aussi sa propre personnalité, quand on se trouve étranger à soi-même, pris dans le cercle infernal d’un temps dépourvu de sens où rien n’arrive. Enfin, pour le spectateur, ce sont eux, « les autres », ces « fous », ces « désaxés » dont la différence nous effraie trop souvent, et que Luis Guenel Soto nous donne à voir ici, si proches et si lointains.
Les acteurs du Teatro Niño Proletario incarnent avec une justesse mordante leurs personnages, réussissant ainsi une véritable prouesse d’art dramatique. Ils sont dérangeants, déroutants et cependant attachants, montrant une réalité crue et radicale, à mille lieues des clichés et/ou du ton protectionniste dont souffre bien souvent ce genre de thématique. Cependant, malgré la sensibilité et la finesse extrêmes dont fait preuve le spectacle, il suffit d’une seconde de recul pour en décrocher, et ces « autres » dont on se rapprochait, soudain redeviennent lointains et indéchiffrables. Tout est admirablement mené, pourtant sans que l’on sache pourquoi, l’émotion ne survient pas. Quelque chose reste éternellement confiné au plateau. Peut-être le manque de ruptures lorsque les interventions verbales disparaissent totalement ? Peut-être le côté (naturellement) répétitif de ce qui est représenté ? Difficile à dire…
La technique est parfaite, le documentaire captivant, mais ce soir-là, il manque l’étincelle du théâtre.
Informations pratiques
Auteur(s)
Inspiré de L’Infarctus de l’âme
de Paz Errázuriz et Diamela Eltit
Mise en scène
Luis Guenel
Avec
Daniel Antivilo, Luz Jiménez, Ángel Lattus, Millaray Lobos, Francisca Márquez, José Soza, Rodrigo Velásquez
Dates
Du 29 novembre au 9 décembre 2017
Durée
1h
Adresse
Dans le cadre du Festival d’Automne à Paris
Théâtre de la Ville – Espace Pierre Cardin
1 avenue Gabriel
75008 Paris
Informations et dates de tournée
http://www.theatredelaville-paris.com/