« EN PRÉVISION DE LA FIN DU MONDE et de la création d’un nouveau », À l’heure des luttes sociales et face aux périls qui nous guettent, une pièce pour la jeunesse qui pose question

EN PRÉVISION DE LA FIN DU MONDE et de la création d’un nouveau de Pauline Sales aux éditions Solitaires Intempestifs Jeunesse
Spectacle créé en 2021 au théâtre André Malraux de Chevilly-Larue dans une mise en scène de l’auteur.

Il y a ceux qui rêvent de la fin du monde, ce sont les nihilistes. Nous sommes sortis du néant et nous devons y retourner… Et puis il y a ceux qui veulent changer le monde. Révolutionnaires ? réformistes ? peu importe leur nom. Ils sont très inventifs, quel que soit leur âge, mais on les leurre souvent, voire on les manipules. Ainsi, dans beaucoup de villes, on a mis en place des Conseils Municipaux d’Enfants. Gadget, ou réel désir de donner un pouvoir aux enfants ? C’est en partant de ce questionnement que l’autrice a imaginé sa pièce : la maire élue a été enlevée par l’opposante malchanceuse mais radicale qui l’accuse de ne rien faire en faveur des droits des enfants, et de « collaborer » avec les adultes qui la dupent.

Toutes deux ont onze ans et sont dans la même classe. Le troisième personnage est un garçon plus jeune et de bonne volonté. Un peu naïf et désireux d’éviter la violence.
C’est que Madison, l’activiste, prend les choses au sérieux : pour accréditer son action terroriste, elle se propose d’amputer la « maire » d’une phalange et d’envoyer celle-ci aux parents de Sophia, ni plus ni moins ! Finalement, on se contentera d’une mèche de cheveux, c’est une preuve aussi. Le jeune Ethan est chargé de déposer cette preuve chez les parents de Sophia.

Ce qui est drôle, c’est le déroulé des revendications avec leurs acronymes :
RMEE revenu minimum d’existence pour enfants.
DDCE droit de disposer de son corps d’enfant.
DCE droit de choisir son éducation.
DCP droit de choisir ses parents.
DCLV droit de choisir son lieu de vie.
OFCPA obligation de faire un cours en plein air.
BOO bain obligatoire dans l’océan.
OAI en PFMCN obligation d’apprendre l’indispensable en prévision de la fin d’un monde et de la création d’un nouveau.
C’était le programme électoral de Madison ; celui avec lequel elle n’a pas été élue…
Évidemment, il y a là beaucoup d’ironie. La manie des acronymes n’est pas vraiment typique des enfants, mais ils entendent ce genre de choses dans la bouche des adultes et l’hyperbole n’a pas besoin d’être poussée pour concerner les spectateurs enfants comme adultes. Et la litanie continue CRHPCD création du répertoire de poèmes, de chansons… et aussi ISM interdiction de saccager le monde… OVE obligation de voyager enfant (avec d’autres moyens que l’avion) et le VMPEV va mettre la pression chez l’enfant de ton voisin… on sent que Madison n’est pas à court d’imagination revendicative.
Bien sûr, ce joyeux mélange de préoccupations sérieuses et d’exigences farfelues finit par lasser Ethan lui-même, malgré sa bonne volonté. Et puis, le naturel enfantin revient forcément : tout ça, c’est bien joli, mais il faudrait tout de même qu’on s’amuse un peu. Organiser une boum, c’est bien aussi, non ? « C’est pas comme si la boum avait été annulée à cause d’un virus venant d’une chauve-souris qui volait en Chine ». Là, l’autrice se fait plaisir. Ben, non, faut quand-même pas exagérer ! Nous, on habite un pays tranquille.
Et voilà comment les révoltes s’étouffent d’elles-mêmes.
On peut légitimement se demander ce que Pauline Sales veut vraiment nous montrer avec ce texte. Qu’il est vain de vouloir changer le monde ? que ce qui prévaut, en fin de compte, ce sont les menus plaisirs qu’offre la vie ici et maintenant ? Finalement, c’est un peu triste parce que le renoncement ne vient même pas d’une manipulation malveillante et condescendante.

Est-ce à dire que tout espoir est vain ? que se battre pour un monde meilleur n’est que chimère ? Si c’est là la perspective, elle est bien triste.

Informations pratiques

Auteur(s)
Pauline Sales

Prix
9 euros

Éditions Les Solitaires Intempestifs
www.solitairesintempestifs.com