Entretien avec Sara Mangano, rencontre à Mimesis, Festival des Arts du Mime et du Geste

« La place du corps comme identité de l’être »

Propos recueillis par Paula Gomes

Paula Gomes : Quelle a été l’évolution de l’Art du Mime et quelle est sa spécificité ?

Sara Mangano : De 1970 à 1990 un renouveau s’est opéré dans l’Art du Mime, les années 80 ont été florissantes. Etienne Decroux était un chercheur, il a fondé la première école de Mime en France. Marcel Marceau prônait l’art du silence : l’homme se met en danger dans le silence absolu. Jacques Lecoq a basé sa pédagogie autour de la dynamique du mouvement. Chaque école était centrée sur une seule technique. L’Ecole Marceau, soutenue pendant 25 ans par la mairie de Paris n’existe plus. Aujourd’hui, seules les écoles privées assurent l’enseignement (Lecoq, Decroux). Après la mort des maîtres : Decroux (1991), Lecoq (1999) et Marceau (2007), les 2ème et 3ème générations se sont retrouvées orphelines. Loin des querelles du passé qui ne les concernent plus, les jeunes artistes regardent ce qui se fait autour. Il a fallu redéfinir le Mime avec ses techniques et avoir foi en l’avenir.

Le Mime est l’art de base, à part entière. Il s’insère dans les autres arts : le théâtre, la danse, le cirque, la marionnette,… Quelle histoire peut-on raconter par le mime ? Tout ne peut pas se dire (différent du verbe). Il peut s’inspirer d’un texte mais il faut avant tout dépouiller l’art de tous ces artifices, ce qui reste c’est le corps avant même les accessoires et le décor. L’Art du Mime est populaire, poétique et symbolique (nombreuses métaphores), c’est l’art de l’incarnation

© Sophie Pasquet

P.G.: Vous êtes la co-fondatrice de Mimesis, Festival des Arts du Mime et du Geste à Paris, pouvez-vous en dire quelques mots ?

Sara Mangano : Le festival Mimesis est né d’une envie de partager un espace de diffusion et de rencontre avec le public autour des Arts du Mime et du Geste. Quatre compagnies sont à l’initiative du projet: Hippocampe, Les Éléphants Roses, Platform 88 et ma compagnie Mangano-Massip fondée avec mon conjoint, Pierre-Yves Massip. C’est en invitant une dizaine de compagnies, à chaque édition, que nous ouvrons à la visibilité d’un art qui lutte encore pour se faire une place au sein de la programmation de nos théâtres, malgré son dynamisme actuel. Emmanuelle Laborit, à la direction de l’IVT – International Visual Théâtre de Paris, s’est intéressée très tôt à notre travail. Plusieurs thèses universitaires sur l’Art du Mime et du Geste ont vu les jours. Que les universitaires commencent à s’intéresser à notre art est une caution importante.

Mimesis dans son sens premier : recevoir le monde par nos sens et le recréer avec un sens esthétique. Les sensations me meuvent, me mettent en mouvement (la base première). L’esthétique et la technique viennent après. La sixième édition s’est déroulée du 7 au 13 novembre 2016 à l’IVT. Le programme s’est étoffé et montre l’engouement croissant des professionnels et du public : 4 plateaux de formes courtes, 17 compagnies internationales, des rencontres, des ateliers et une exposition de photographies. Créé en même temps que le festival, le Collectif des Arts du Mime et du Geste, composé de compagnies, d’artistes , d’étudiants et de professeurs de l’Art a la spécificité de considérer le corps comme lieu du théâtre et de la dramaturgie. Tous bénévoles, nous intervenons à différents niveaux et devons parfois faire face à des imprévus. Il n’est pas évident de poursuivre notre travail de création et de transmission en parallèle.

 

P.G.: Vous envisagez une nouvelle édition du festival l’année prochaine ?

Sara Mangano : Du 7 novembre au 7 décembre 2017 se déroulera la biennale, ce sera notre 3ème participation. C’est un événement proposé par le GLAM (Groupe de Liaison des Arts du Mime et du Geste) et organisé par le Collectif des Arts du Mime et du Geste, en collaboration avec différents acteurs de la profession. Un programme riche sur 10 jours: spectacles, ateliers, tables rondes et d’autres manifestations dans différents lieux. Un catalogue est en préparation pour les professionnels. Les directeurs de théâtre commencent à s’intéresser à notre travail.

 

P.G.: Parlez-nous de votre parcours et de votre compagnie Mangano-Massip?

Sara Mangano : J’ai rencontré Pierre-Yves Massip en 1994 à l’École Marcel Marceau. Notre formation technique importante s’est articulée autour des enseignements de Decroux, Marceau, la danse, les acrobaties et la parole. Derniers disciples de Marceau, nous avons intégré sa Compagnie Marcel Marceau et fait le tour du monde avec deux spectacles : Le chapeau melon de 1997 à 2002 et les Contes fantastiques de 2002 à 2007. Après sa disparition, nous avons assuré la direction artistique de la compagnie Acta Fabula pendant dix ans. En 2010, nous créons notre propre structure : la Compagnie Mangano-Massip. Depuis 3 ans, nous sommes en compagnonnage à l’Odyssée, une scène conventionnée Art du Mime et du Geste de Périgueux. Nos spectacles voyagent à travers le monde : Chine, Etats Unis, Pologne, Iran, Italie, Espagne, Allemagne, Algérie, Corée,…

© Gilles Dantzer

P.G.: Comment s’articule votre travail ?

Sara Mangano : Nous avons choisi, Pierre-Yves et moi, d’explorer les vastes territoires de l’imaginaire. En duo depuis plus de vingt ans, nous cherchons à donner forme à un théâtre du geste et de l’image où le corps est à la fois le moyen et le but. Construire une dramaturgie du mouvement qui puisse se faire l’écho des petits tracas quotidiens autant que des grandes envolées lyriques de la pensée. Pierre-Yves s’occupe des décors et de la scénographie. Je m’intéresse à l’art poétique, la littérature, aux thématiques et à la conception des projets. Nous sommes complémentaires et pouvons intervenir ensemble sur la mise en scène. L’écriture au plateau est essentielle, un espace pour la maturation (de 6 mois à 1 an) en résidences.

Confiant en l’avenir, notre travail est de tous les instants avec ses exigences, la communication et les réseaux. La compagnie s’ouvre à des projets en collaboration avec d’autres artistes : musiciens, comédiens, marionnettistes, circassiens qui amènent des regards différents sur l’art du Mime mais qui partagent les mêmes intérêts sur les thèmes sociaux et d’actualité. Petit à petit, nous commençons à développer notre réseau.

 

P.G.: Quels sont les thèmes abordés dans vos projets ?

Sara Mangano : L’amour est un thème universel présent dans notre premier spectacle « Archibald et Margaret », un travail sur le couple. Créée initialement pour la rue, cette performance physique très clownesque a évolué au fil du temps et perdure pour notre plus grande satisfaction. Dans sa dernière version, elle véhicule l’idée de parasitisme : 20 ans d’amour, c’est l’amour fou !

Des spectacles engagés où la poésie est un engagement politique dans la société actuelle. Nous avons réalisé deux créations écologiques pour le jeune public : SOS enfant et Rhapsodie Planète. Nous avons une démarche humaniste liée à la beauté des sens, du mouvement du corps, des émotions.

 

P.G.: La transmission est importante pour vous, comment se fait-elle ?

Sara Mangano : Nous assurons des stages, beaucoup à l’étranger auprès d’artistes, universités et théâtre et aussi des actions culturelles tout public. Les instituts français et les lycées français, nous sollicitent aussi. Nous collaborons notamment avec le lycée de Singapour et celui de Shanghai où nous avons mené un projet avec plus de 50 enfants. Mr Marceau nous disait toujours : « Théoriser, c’est essentiel pour la reconnaissance de notre art ». Notre enseignement se base sur une large compréhension et l’utilisation des trois grandes techniques de Mime : Marcel Marceau, Étienne Decroux et Jacques Lecoq. Nous essayons de toucher un large public à travers notre activité militante pour la reconnaissance des Arts du Mime et du Geste, au travers d’initiatives comme Mimésis mais aussi Mim’Provisation, une idée originale menée avec la Compagnie Pas de Dieux depuis six ans. Des soirées où un groupe d’artistes mimes accompagné par des musiciens improvisateurs et un light performeur se confrontent à des jeux d’improvisation. La troupe est conduite par un maître de cérémonie qui mène la danse du hasard, tire le thème au chapeau et invite même le public à se mêler aux artistes et goûter aux plaisirs de l’improvisation corporelle.

 

P.G.: Quelle est votre actualité pour 2017 ?

Sara Mangano : Deux spectacles en début d’année : Life in the box (monde des technologies) présenté lors de la 2ème édition de Virtual.homme en janvier. C’est un Work Progress constitué de 12 personnes avec cinq performances. Et Les Aimants en Algérie en janvier puis à IVT du 23 au 25 février. Cette création aborde la peur de la perte de l’autre et les différentes facettes du couple. Un travail personnel où l’on ne sait pas si c’est un rêve ou souvenir, pas de temporalité.

En mars « Archibald et Margaret » et « L’éternel éphémère » seront joués au festival Mimages.

Une nouvelle création est en cours : « Rémanence », un travail sur l’identité/mémoire, la trace laissée par la civilisation, à travers trois personnages de la mythologie grecque : Pandore, Eurydice et Pénélope… Nous le présenterons au festival international de Varsovie où nous retournerons pour la 3ème fois. Nous irons également en Allemagne pour aider à la mise en scène du projet « Le petit monsieur »… Avec nos différents projets, nous partons régulièrement à l’étranger.

 

 

 

 

« LIFE in a BOX »  5 performances de la Compagnie Mangano-Massip

sur une idée originale de Sara Mangano et Pierre-Yves Massip

Avec Sara Mangano, Barbara Mangano, Pierre-Yves Massip et Mathieu Duval

Le 25 janvier 2017 à 20h30

 

Virtual.homme 2ème édition

Théâtre Victor Hugo

14,Avenue Victor Hugo

92220 Bagneux

Ce moment où la

pensée se mobilise avant de s’énoncer.

 

« Les Aimants » Compagnie Mangano-Massip
Mise en scène et interprétation  Sara Mangano et Pierre-Yves Massip

Assistantes mise en scène Manon Crivellari et Hannah Cornick

Musique Stéphanie Gibert

Lumières Agathe Patonnier

Régie Eugénie Marcland

Scénographie Pierre-Yves Massip

 

Le 28 janvier 2017 au Théâtre de l’Envol à Viry-Châtillon

 

Du 23 au 25 février 2017

jeudi 23 février à 19h, vendredi 24 février à 10h et 19h, samedi 25 février à 20h

 

IVT – International Visual Theatre de Paris

7, cité Chaptal

75009 Paris

http://ivt.fr/evenements/mimesis-festival-des-arts-du-mime-et-du-geste

 

 

Au Festival Mimages :

« Archibald et Margaret » du 23 au 24 mars 2017

« L’éternel éphémère » le 26 mars 2017 à 20h30

http://www.mimages.fr

 

 

Agenda et informations sur la Compagnie Mangano-Massip

http://www.compagniemanganomassip.com/

 

MIMESIS Festival des Arts du Mime et du Geste

http://mimesisplateau.blogspot.fr/