"ET SI ON S’AIMAIT ?", Amour, attrape-moi si tu peux !

Et si on s’aimait ?, mise en scène Marie Iasci © Matthieu Camille Collin

À l’heure où les sites de rencontres amoureuses existent, 6 jeunes comédiens interprètent 28 personnages en quête d’amour. Avant la rencontre, les uns et les autres doutent et redoutent. Pendant, il y a ce qu’on dit pour ne pas dire ce qu’on voudrait dire et comment on le dit. « Il y a toujours un moment où l’un s’arrête en plein milieu d’une phrase. C’est comme si on ne pouvait pas tomber amoureux et parler en même temps. » Après, vient le temps du débriefing, le recul qui permet l’analyse, ce qu’on a dit, ce qu’on n’a pas dit, ce qui aurait pu être dit ou pas…

Ce moment tant attendu se situe entre deux pôles : l’attirance et la répulsion. L’attirance s’installe dans la magie et la surprise du moment tant imaginé. La répulsion engloutit dans l’effroi et l’angoisse de la vraie connexion, de notre imaginaire amoureux confronté au réel de la rencontre en présentiel.

De la succession des saynètes au rythme soutenu, deux moments magiques se détachent à travers deux dialogues. Le dialogue entre les deux protagonistes de la rencontre et le dialogue concomitant des coaches avec les didascalies créent un décalage intéressant, voire jubilatoire, pour le spectateur.
Le moment où un couple sur le canapé regarde dans le présent sa rencontre passée jouée à la table du café est un pur bonheur où le spectateur se dédouble dans l’espace de deux temps. L’effet de rembobinage est très réussi avec ses pauses. Ainsi, le théâtre dans le théâtre apporte la distanciation, la catharsis pour le spectateur. Ce qui se cache derrière les réparties se révèle enfin.

Le décor est donc celui du « Café de la gare » dans le titre en mai 2022, Jeudi, 19h, Café de la Gare, version courte d’une version longue à venir. Cet espace scénique est idéal comme lieu des possibles et des chassés croisés. Une table, deux chaises, un tableau et un canapé, celui du recul constituent le mobilier. Cet espace vivant est sans cesse en mouvement dans une grande fluidité des changements de scènes.

Toutes virevoltent autour de la recherche de l’amour espéré, sauveur, destructeur, idéalisé où on recherche et attend l’autre. L’humour, la dérision sont au rendez-vous dans ces instants où un mot, un geste peut être sujet à une interprétation. On est en permanence sur le qui vive. Les comédiens nous font partager cette frénésie et effervescence.

Car si la rencontre s’avère facile avec les applications, elle n’en demeure pas moins difficile dans sa réalité. En comparaison des films qu’on se fait et qu’on a vus, le lot de désillusions est énorme. Le phénomène d’attentes réciproques démesurées peut s’avérer lourd à porter. L’humour, la poésie et le burlesque complètent cette distance qu’on s’autorise dans des moments d’une grande intensité.

Les costumes au bas noir et hauts en couleur proposent un lexique des couleurs : rose pour l’amour, vert pour la peur, bleu pour la mélancolie. Nous sommes dans la palette des émotions. La dynamique se joue dans un rapport de force dans la complémentarité ou l’opposition. Le rouge du départ dégage la flamme du personnage féminin hystérisé.

Il s’agit du premier projet commun de la compagnie « La nuit d’après ». Le 18 juin 2021, une version de 30 minutes naissait au Théâtre des Béliers Parisiens, pièce lauréate du concours des Capsules des cours Raymond Acquaviva que beaucoup des comédiens ont suivis. En mai 2022, le titre Jeudi, 19h, café de la Gare laisse la place à Et si on s’aimait ? Le 1^er octobre 2022, la création de la version longue au Théâtre des Béliers Parisiens émanait du succès au concours. Du 3 février au 16 avril 2023, 33 représentations sont programmées à la Folie Théâtre. N’hésitez pas, allez-y !