« FANNY ET ALEXANDRE » Le théâtre, j’y crois !

L’histoire rappelle une tragédie grecque. Une femme perd son mari, et après son deuil, noie son chagrin dans une nouvelle union, qui paraît lui amener amour, sécurité, et un certain cadre. Autant pour Émilie Ekdahl que pour ses enfants orphelins de père, Fanny et Alexandre. Mais la perversion de leur nouveau beau-père plongera les adolescents dans une un immense désarroi qui les mènera à la colère et à la révolte. Le scénario testament du classique d’Ingmar Bergman est ici réadapté afin de permettre à Julie Deliquet de proposer sa vision de l’histoire, dans le cadre si particulier que constitue la troupe de la Comédie-Française.

© Brigitte Enguerand / Divergence

Et elle y parvient, malgré un début compliqué. Le spectacle commence par inviter les spectateurs à pénétrer le théâtre de la famille Ekdahl, lors des célébrations de la fête de Noël. Tout ce premier passage est assez inquiétant. Les comédiens adoptent une sorte de caractère un peu faux, il est difficile de croire réellement à la scène qui prend place au plateau. Elle remplit plutôt bien son rôle d’exposition mais laisse le spectateur à la porte, la scène arborant un aspect conventionné, presque vieillot, malgré l’absence de décor. C’est après que la vraie mise en abyme se révèle. Lorsque Denis Podalydès montre son interprétation du spectre du père d’Hamlet, le parallèle entre les acteurs Ekdahl et ceux de la Comédie-Française apparaît de plus en plus clair, et entraîne l’audience à accepter ce qui lui est offert, à s’investir autant que les membres de cette troupe dans l’histoire qu’ils vivent autant que dans celle qu’ils racontent.

© Brigitte Enguerand / Divergence

C’est là qu’il est possible de reconnaître la véritable maîtrise de Julie Deliquet. Elle parvient en effet, de par ce rapprochement de la vie des comédiens et de la fiction qu’ils incarnent, à créer chez le spectateur la parfaite confusion entre les deux. Ce dernier plonge alors à corps perdu dans les difficultés de Fanny, Alexandre et Émilie, dans l’espoir qu’a leur famille de les revoir et de les secourir, et accepte avec joie tous les artifices que la scène emploie, puisque la metteuse en scène propose seulement une vie vraie des comédiens-personnages. Cette confusion entre fiction et réalité, bien loin de nous éloigner du cœur de la pièce, nous entraîne à décider d’y croire.

Ce mélange entre un certain classicisme historique inhérent à la Comédie-Française et la démarche empreinte de réalité de la metteuse en scène aboutit finalement à un spectacle qui parle du théâtre autant qu’il en est, et qui se suit avec plaisir.

© Brigitte Enguerand / Divergence

Informations pratiques

Auteur(s)
Ingmar Bergman

Mise en scène
Julie Deliquet

Avec
Véronique Vella, Thierry Hancisse, Anne Kessler, Cécile Brune, Florence Viala, Denis Podalydès, Laurent Stocker, Julie Sicard, Hervé Pierre, Gilles David, Noam Morgensztern, Anna Cervinka, Rebecca Marder, Dominique Blanc, Julien Frison (en alternance), Gaël Kamilindi (en alternance), Jean Chevalier, Noémie Pasteger, Léa Schweitzer

Dates
Du 9 février au 16 juin 2019

Durée
2H45 (avec entracte)

Adresse
Comédie-Française
Salle Richelieu
Place Colette
75001 Paris

Informations et dates de tournée
www.comedie-francaise.fr