"FESTEN" Une rencontre entre cinéma et théâtre

Ça aurait pu être un film souvenir des 60 ans du père, ça en devient une performance filmique déterminante pour tout le monde. Dans Festen, Cyril Teste mêle au plateau cinéma et théâtre sans en délaisser l’un pour l’autre. Évoluant dans une scénographie énorme et modulable, les personnages nous sont présentés différemment sur scène et à l’écran, chacun de ces médias nous apportant quelque chose de différent. Tout ce qui est projeté à l’écran est filmé, monté et étalonné en direct, ce qui conserve la qualité vivante du spectacle, inhérente habituellement au théâtre seul. Ce procédé permet aux comédiens un jeu différent, situé entre celui de la scène et de la caméra, qui nous apporte beaucoup plus sur eux. On pénètre sans difficultés dans l’intimité autarcique de ce repas de famille malsain. Christian, sorte de Hamlet contemporain, tente non pas de seulement faire éclater la vérité, de révéler les exactions de son père, mais de convaincre l’assemblée autour de lui de lutter contre, d’admettre la perversion du patriarche. De par ce dispositif, cette lutte entre le père et le fils se trouve transposée sur plusieurs plans dans le même temps, et s’étend à notre société plutôt que de restée cantonnée au plateau. Cyril Teste et le collectif MxM projette son public dans une réalité sidérante qui ne laisse plus la possibilité d’une mise à distance. On suit l’évolution émotionnelle du personnage de Christian de façon complètement subjective, on lutte avec lui tout au long du spectacle. Cette immersion dans la réalité du plateau est même renforcée par la sollicitation du sens olfactif des spectateurs, des diffuseurs de parfums travaillés pour la création étant installés dans la salle.

La création de Cyril Teste semble avoir capté l’essence de ce carrefour entre cinéma et théâtre que constitue le texte de Thomas Vinterberg. Il apporte en effet à ses comédiens une liberté de jeu nouvelle, ce qui leur permet de se trouver dans une grande justesse en permanence, que ce soit vu sur scène ou sur l’écran qui les surplombe. Par ailleurs, le metteur en scène invite par ce biais la magie du cinéma sur la scène du théâtre. C’est ainsi que l’apparition du spectre de Linda, sœur décédée de Christian, est aussi tangible qu’irréelle. En opposition, le théâtre présent autour de ce qui nous est donné d’observer à l’écran rend compte de tout ce qui ne nous est habituellement pas donné de voir, et qui, selon le père Helge ou notre société, ne devrait peut-être pas l’être.

Cette nouvelle forme scénique constitue un vrai pas en avant dans l’évolution du théâtre et du cinéma, tout en accordant à un texte reconnu une portée nouvelle et sociétale. À expérimenter sans hésiter.

Informations pratiques

Auteur(s)
Thomas Vinterberg et Mogens Rukov

Mise en scène
Cyril Teste

Avec
Estelle André, Vincent Berger, Hervé Blanc, Sandy Boizard ou Marion Pellissier, Sophie Cattani, Bénédicte Guilbert, Mathias Labelle, Danièle Léon, Xavier Maly, Lou Martin-Fernet, Ludovic Molière, Catherine Morlot, Anthony Paliotti, Pierre Timaitre, Gérald Weingand et la participation de Laureline Le Bris-Cep